Les Quatre Gardiennes ~ Les Clefs

VIII - Ènes et Morgane

   J'essaie de me calmer en écoutant autour de moi. Je sais que mon élément est la Terre mais, je ne comprend pas comment les autres ne peuvent pas y prêter attention plus que ça. C'est magnifique. Juste magnifique.

   Je retourne en haut de la falaise. Le vent souffle fort. Je chante le même air triste que lui. Oui, le vent chante en soufflant dans les feuilles, en faisant rouler les feuilles mortes. C'est son propre langage.

   Des fleurs qui n'étaient pas là tout à l'heure poussent lorsque je chante. Comment ont elles poussées en 10 minutes ? Une pivoine jaune m'arrive au niveau du visage et sèche mes larmes. Je pleure encore. J'arrête mes larmes et mon chant, et les plantes, elles, s'arrêtent de pousser. C'est sûrement avec mon chant qu'elles grandissent. Alors c'est ça mon pouvoir ? J'aimerais tellement en apprendre plus, pourvoir faire plein de chose avec... Mais ça voudrait dire rester ici... Or on compte bien rentrer chez nous ! Notre place n'est pas là, ce n'est pas notre terre natale . Et je suis sure que Maman n'a rien avoir avec tout ça ! Enfin, je l'espère plus qu'autre chose...

- Désolé pour ce qui c'est passé... Je ne sais plus quoi faire...

   C'est le jeune homme de tout à l'heure. Il doit avoir 14 ans environ, il a une tunique brune, des bas beiges et des bottes de cuir. Je n'avais pas remarqué tout à l'heure, mais il a un tatouage sur la clavicule. Une planète avec un anneau, une étoile et un astéroïde. Voyant que je l'observe, le garçon effleure son tatouage du bout des doigts.

- Je suis Astre, explique-t-il. On se fait tatouer le symbole de notre clan à 12 ans après avoir passés l'épreuve. Ici, nous sommes chez les Crépuscules, ajoute-t-il en se touchant le front, et je me souviens du tatouage aperçu sur le front de la réceptionniste. Il existe aussi les Foudres et les Sabliers. Les Gardiennes ont le tatouage de leur Élément au poignet et un médaillon, il pointe du doigt mon pendentif attaché à une corde. Vous tenez le votre de votre grand-mère.

- Je t'en supplie, tutoies-moi, d'accord ?

Hésitation.

- Moi, c'est Lierre.

- Ènes. Mais tu peux m'appeler Ène, ajoute-t-il dans un sourire.

*:·ﾟ

- J'en peux plus là ! souffle Flamme entre deux respirations. Ça fait 3 heures qu'on marche !

- Oui, et si on veut arriver tôt, il ne faut pas s'arrêter, rouspète Naïmsa.

- On pourrait peut-être faire une petite pause.

    Naïmsa la fusille du regard.

- Une toute petite...

- D'accord, fait-elle en soupirant. Mais 10 minutes max' !

- Merci Dieux du Ciel ! lance Flamme en tombant à terre.

   On est parties tôt ce matin, et on marche depuis un bon moment maintenant. Moi aussi je suis fatiguée, et Naïmsa doit sûrement l'être elle aussi, vu son petit air soulagé, qu'elle cache tant bien que mal, quand on s'assoit enfin.

- On doit être à la moitié de la forêt, commente Ènes. Morgane habite au trois quart, on y sera dans 30-40 minutes de marche à pieds environ si on traine pas.

   Au final, il nous accompagne. Il dit vouloir voir Morgane, car il ne l'a jamais rencontrée. Mais j'ai l'impression que c'est plus une excuse qu'autre chose... Il avait dit ça tout gêné... Il faudra que je tire ça au clair.

- Pfffffiuuuu, moi je reste ici, souffle notre râleuse professionnelle.

- Ah non, Flamme ! Tu vas pas recommencer avec ça ! Tu dois venir, un point c'est tout.

- Dites donc, elle ferait une reine vachement autoritaire celle-là, non ? lance Flamme vers nous avec un air conspirateur.

- Pffff, n'importe quoi ! Et puis d'abord, ce sera pas moi la reine, alors...

- Ben, oui, on sait bien, fais Flamme, ce sera Zolone, ton grand-frère !

   Naïmsa la regarde comme si elle ne comprenait rien.

- Mon grand-frère ? Bien-sûr que non !

- Bah, c'est pas l'aîné ? s'étonne Flamme.

- Si, et alors ? C'est le cadet qui succède au roi et à la reine.

    Les filles et moi on se regarde.

- Dans notre monde, j'explique, c'est l'aîné.

- Ah ouais ? Comme quoi, on a encore beaucoup à apprendre !

*:·ﾟ

   On doit bientôt arriver, normalement, c'est le dernier kilomètre. J'ai hâte de m'assoir quelque part, j'en peux plus. Au loin, au sommet d'un pin, j'aperçois comme une boule de bois suspendue, reliée à d'autres boules par des ponts. Ce doit être la cabane de Morgane.

   Quelque 20 minutes plus tard, on arrive au pied des pins en questions. Enfin arrivés ! Naïmsa, qui était en tête, grimpe à l'échelle de corde et nous fait signe de la suivre. On grimpe chacun notre tour jusqu'en haut. Une arche ronde laisse voir l'intérieur. Une grande table circulaire trône au milieu de la pièce où sont assises la reine et une dame qui à l'air d'avoir dans la soixantaine. Surement Morgane. Je dis avoir l'air parce que ses yeux ont cette lueur de sagesse qu'on peut apercevoir dans le regard d'une vielle personne qui a vécu. Elle se lève pour nous accueillir. Elle porte une robe blanche longue toute simple et ses cheveux gris-bruns lui tombe dans le bas du dos.

   La reine s'approche un peu étonnée de nous voir ici, mais pas plus inquiète que je ne l'imaginais. Morgane nous fait comme passer un examen visuel : elle nous dévisage jusqu'à la couleur des cheveux, puis baisse son regard qui se fait pointu et suis les courbes de nos corps. Gênées, nous regardons nos pieds.

- Ce sont bien elles... murmure-t-elle si bas que je ne suis pas sûre de ce que j'ai entendu.

   Malgré tout, je devine facilement ses paroles. Elle voit en nous nos mères. C'est vrai qu'on leur ressemble beaucoup. Peut-être justement parce qu'on doit leur succéder. Un jeune homme se tient derrière elle. Il lui ressemble un peu. Son fils ? Non, il est trop jeune, et elle trop vieille. Peut-être son petit-fils, alors ? Ses cheveux châtain ondulés brillent au contact du soleil qui s'échappe par une petite fenêtre ronde dans le toit. Ses yeux bleu clair nous dévisagent, eux aussi, mais beaucoup plus vite. Il nous étudie juste un instant.

- Mes enfants, commence Morgane, il temps de parler.

   Elle tend le bras pour nous indiquer les chaises autour de la table. Nous prenons place et Ènes reste droit comme un manche à balais. Sûrement parce que Morgane est une personne importante.

- Que savez vous de nos terres, petites ?

- Euh ben, qu'ici on est à Ewy-quelque chose et que on est pas chez nous, commence Océane.

   Morgane hoche la tête imperceptiblement.

- Et que on est les Gardiennes des Éléments, j'ajoute.

   Nouveau hochement.

- Bien, il est maintenant temps de vous raconter notre histoire. Vous voulez bien m'écouter ?

   Je croise le regard de Sunny, et on hoche la tête. Flamme et Océane se sont mises d'accord aussi. Une dernière fois, je me pose la question. "Est-ce que tu es sûre de vouloir être mêlée à ça, Lierre ? Après, tu n'auras plus d'excuses..." Mais, je pense que ce récit en vaut la peine. Du moins, je l'espère...