Pourquoi écrire ?
En vérité, ce n'est pas une question qui se pose. Mais je la pose, ce soir.
Tout est parti de la lecture. Quand tu es une enfant qui commence à lire, et qui aimes ça, tu te rends rapidement compte qu'étrangement, lorsque tu lis des histoires, tu commences à ressentir des choses. Les mots, pourtant simplement des agencements de lettres sur un bout de papier, parce qu'ils ont l'incroyable pouvoir de prendre du sens dans nos esprits par la magie de ce qu'on appelle le langage, commencent à te procurer des sensations physiques.
Au détour d'une phrase, ta mâchoire se crispe, ton ventre se noue, et au bout de quelques pages, tu te surprend à essuyer la sueur sur ton front. Parfois même tu es obligée de fermer le livre le temps de reprendre ta respiration, attention tes doigts tremblent. Il t'arrive aussi de crier, de frustration, d'excitation. Les plus talentueux te font rire, certains et certaines ont déjà réussi à te faire te rouler par terre, des crampes aux abdos tellement tu riais.
Tu continues à lire, pendant des mois, des années. Les personnages grandissent en même temps que toi, ou plutôt tu grandis en même temps qu'eux, parfois tu ne sais pas. Lorsque Harry, Ron et Hermione rentrent en troisième année, tu fais tes premiers pas au collège, lorsque Percy, Annabeth et Grover détruisent le Labyrinthe, tu te mords les doigts au CDI. Kaz et Inej s'embrassent enfin, tu es dans le bus, Eragon et Arya par contre ne finiront jamais ensemble et tu en pleures dans ta salle de bain.
Et puis, à force d'être habitée par ces personnages, tu surprends un jour dans ton esprit un nouveau personnage qui n'existe nulle part ailleurs - que dans ton esprit. Il t'est apparu comme ça, et il a une histoire, une histoire à raconter. Il est triste ou heureux, meurtri, il a peu confiance en lui, ou au contraire a une confiance débordante, souvent, presque toujours il (ou elle) est très amoureux, ou va le devenir. Mais quoi qu'il en soit, il t'urge à raconter son histoire.
Tu te rends aussi compte que tu aimes manier les mots, les sons, les consonnes et les voyelles. Les allitérations et les assonances t'obsèdent autant que les métaphores, sans même parler du chiasme, qui hante tes rêves, dans tes cauchemars rôde.
Et tu écris, tu écris, tu écris, et tu n'as jamais été aussi heureuse de ta vie, tu ne t'es jamais sentie aussi vivante qu'en donnant la vie à ces "fantômes", comme tu les appelles parfois, alors qu'ils sont si vivants, d'une certaine manière.
Puis la réalité te rattrape. Tu fais d'autres choix de vie. Tu te conformes à ce qu'on attend de toi. Le vaste "on", tes parents, tes professeurs, la société tu aimes dire. Tu te caches derrière ça, il faut être honnête. C'est toi qui fais le choix de t'enfermer dans tout ces cours qui n'ont pas de sens, de passer un concours harassant, d'intégrer une grande école qui mobilise toute ton attention. De faire crever tes personnages à force de les ignorer. Ce ne sont pas eux qui vont te plaindre ensuite quand tu pleureras, le soir dans ton lit, seule et malheureuse, parce qu'ils sont tous partis. Mais c'est TOI qui les as abandonnés.
Mais ils sont toujours là, quelque part, loin au fond de toi. Et lorsque tu te décides enfin à leur laisser un peu de place pour revenir, ils sont là. Plus fidèles que n'importe quel compagnon. Ils sont toujours là, pour la simple raison qu'ils t'aiment comme tu les aimes, et aussi parce que tu n'as pas encore raconté leur histoire. Ils t'attendent, ils sont patients.
Et alors qu'ils remontent à la surface et recommencent à t'offrir toutes ces visions que tu chéris tant, qu'ils t'offrent de nouveaux moments de leur vie, ils te demandent encore de les raconter. Ils te donnent une seconde chance. Tu dois t'y remettre, non pas comme une punition mais comme une bénédiction.
Ce sont des anges porteurs de messages, Hermès d'un Paradis oublié.
Alors au final, tu reprends les armes, tu te remets en selle. Les armes : ton stylo, ta plume, ton clavier. Les munitions : tes personnages, ton imagination, ta motivation. Ton mantra : toujours le même, que tu avais mis de côté, mais ton mantra de toute ta vie : Some see a pen, I see harpoon. Rien n'a changé, mon crayon est toujours mon arme, et Tyler Joseph a toujours autant raison.
Tu as un pincement au cœur en pensant que oui, des choses ont changé. Tu aimerais que Carotte soit encore dans ta vie. Mais Vertige l'est encore, ainsi que de nouvelles personnes qui te donnent la foi de continuer.
Et surtout, eux, ils sont là. Emeraude, Cannelle, Zéphyr, Kansas, Nil, Solal, Thomas, Garance, Alix, Alice, Valentin, Kaam, Kademetis, Tiberius, Hina, Isaac, Ru, Nausicaa, Aurélie, Jésus, Chad, Carla, Ines, Ezra, Charlotte, Georges, Maui, Marina, Lidia, Sami, Amine, Raphaëlle, Kayla, Diego, et tous les autres.
En écrivant, non seulement tu les fais vivre, mais toi aussi tu trouves un sens à la vie.
Alors, voilà ma réponse. Pourquoi écrire ? Pour vivre.
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Midnight thoughts
NonfiksiLes pensées de minuit, comme autant de poésie, parce que nos têtes sont trop pleines, que les vagues déferlent, que les idées affleurent, ou que les corps s'effleurent, que les étoiles dansent sous nos yeux ébahis et que nous nous endormons sous les...