Outer Banks imagines

"Surf" (JJ)

Franchement, il n'y avait que ma mère pour penser qu'il était nécessaire de pratiquer une activité physique intense même en vacances.

Je croisais les bras contre ma poitrine, rechignant à les suivre elle et mon frère jumeau le long de la plage.

Certes, les lieux étaient magnifiques, et oui le surf était une activité typique de la région mais enfin ne pouvions nous pas nous contenter d'observer le tout de loin? Je trouvais ce spectacle très beau quand je le contemplais depuis la plage, et ne ressentais nul besoin d'aller fanfaronner moi-même sur une planche!

Bon, ce n'était pas tout à fait vrai; étant une grande amoureuse de l'océan et des vagues depuis toujours, ce serait mentir que de dire que l'idée de m'y essayer, pour enfin ressentir ce moment de communion avec les éléments, ne m'avait pas traversée. Cependant le problème résidait plutôt dans mes compagnons: Gabrielle Dovery, quarante-deux ans, ancienne skieuse de haut niveau reconvertie en coach sportive et kinésithérapeute ayant la compétition dans le sang, et son fils, Elijah Dovery, ayant visiblement hérité de cette compétitivité et futur joueur de football pro.

Le troisième membre de cette famille, c'est moi: Jezabel Dovery, loin de satisfaire autant que mon jumeau les attentes maternelles en terme d'excellence athlétique.

Attention, je ne ressens aucune amertume par rapport à ça; c'est simplement la manière dont les choses ont toujours été. Mon frère s'est toujours illustré dans la plupart des domaines nécessitant un minimum de capacités physiques tandis que je refusais de m'y prêter, rebutée par la pression liée au palmarès familial et tétanisée par le stress lors des championnats.

Peut-être qu'il y avait une explication psychologique derrière tout ça, du style un schéma maternel que j'aurais peur de reproduire ou une crainte de ne pas être à la hauteur; quoi qu'il en soit j'avais depuis belle lurette abandonnée l'idée d'égaler ou même de suivre les prétentions physiques de mon jumeau.

Ainsi, chaque fois que nous faisions des activités ensemble, et même en vacances, ils ne pouvaient s'empêcher de s'essayer à tout un tas d'expériences offrant des sensations fortes ou à divers sports auxquels ils excellaient systématiquement. Alors je suivais, bon-gré mal-gré, bien que le plaisir de partager un moment tous ensemble soit souvent parasité par ma constante impression d'être à l'écart ou à la traîne. Parfois je préférais m'exclure d'office de leurs petites sorties, les laissant ainsi profiter pleinement et à leur rythme -soutenu- sans avoir à me traîner derrière. Mais la plupart du temps je n'avais pas le choix, ni le cœur de refuser. Comme cette fois-ci.

Nous nous dirigions donc tous les trois le long de la plage vers le centre de surf où les moniteurs se mélangeaient aux habitués.

Plusieurs locaux s'élançaient déjà sur les rouleaux doux de ce début d'après-midi.

Ma mère s'accouda au comptoir en bois et lança un sourire étincelant à la jeune femme en débardeur floqué du logo du club face à elle:

"Bonjour! On vient pour une séance de surf pour trois, c'est Adèle de Chez Fried qui nous a conseillé de nous adresser à vous." Se présenta-t-elle avec son autorité caractéristique.

"La mère Fried!" Commenta la fille aux cheveux décolorés avec chaleur. "Vous avez bien fait, le temps est idéal aujourd'hui en plus. Je m'appelle Dinah. Donc vous souhaitez une initiation débutants?"