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Quelqu'un.
Je voudrais quelqu'un.
Quelqu'un pour me prendre dans ses bras.
Pour me réchauffer.
Pour me délivrer de la peur qui ronge mon ventre.
Quelqu'un pour boucher les trous dans ma tête. Tous ces trous qui volent mes souvenirs et me laissent toute nue dedans.
Quelqu'un pour me murmurer que ce n'est pas grave si je ne sais plus qui je suis et ce que je fais là.
Quelqu'un pour me dire qu'il m'aime.
Quelqu'un.
Je voudrais quelqu'un.

Pierre Bottero — La quête d'Ewilan.

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Il n'y a rien après la destruction. Quand on nuit, impossible de réparer les dommages. Dans le plus courant des cas, on y arrive, mais jamais totalement. D'une manière ou d'une autre il restera toujours des fissures.

Cassures, égratignures. Même si dans certains cas elles sont réparables, toutes portent atteinte à l'état d'une matière. Imaginez que vous brisiez une assiette, penserez-vous un instant à la recoller pour pouvoir la réutiliser ? Bien évidemment que non, parce qu'elle se brisera en mille morceaux qui, à leur tour, se disperseront dans tous les recoins. Aucun retour en arrière n'est possible.

C'est le même cheminement pour l'être humain. Une fois que l'âme et le cœur sont brisés, plus rien n'a d'importance. Le monde perd de sa couleur et les yeux ne connaissent plus que du gris. La noirceur devient l'univers.

Ce qui nous ramène à moi.

Vous voyez ce garçon assis au premier rang de la classe ? Ce garçon apprécié de tous les professeurs ? Ce garçon super intelligent qui n'obtient que de bonnes notes ?

Eh bien, ce garçon, ce n'est pas moi. J'ai toujours trouvé ça trop idéaliste, idyllique.

Moi, je suis plutôt le gars décontracté qui se fout de tout, sans pour autant être mauvais en classe. Disons plutôt que je suis dans la moyenne. Enfin, ça dépend de la matière dont on parle.

Bientôt deux heures que je suis allongé la tête la première sur mon bureau, écoutant vaguement le professeur nous parler de la seconde guerre mondiale. Ça ne m'intéresse pas plus que ça, à vrai dire. Déjà que j'ai mes écouteurs dans les oreilles, c'est une chance pour lui que j'arrive encore à entendre sa voix, même si cela paraît lointain. À quelques tables derrière moi est installé Half, mon ami le plus proche. Je n'ai même pas besoin de tourner la tête pour savoir qu'il dort comme un cochon sur son bureau.

Plus de la moitié de la classe est endormie tellement le cours est ennuyant. Je pense à dire à ce professeur qu'avec sa voix, il devrait arrêter sa carrière d'enseignant pour se lancer dans des garderies. Il arriverait parfaitement à bercer les enfants rien qu'en leur disant bonjour.

La cloche sonne. Enfin.

Je rassemble nonchalamment mes affaires dans mon sac à dos, puis attends patiemment que mon ami arrive à mon niveau pour qu'on sorte ensemble.

J'observe, entre-temps, les autres élèves sortir de la salle de classe. C'est dingue comme les personnalités sont diversifiées dans cet établissement. On passe du gothique punk au geek-intello, en passant par l'insociable.

Il m'arrive même de tomber sur des visages que je ne connais pas, alors que nous sommes dans la même classe depuis le début de l'année, soit depuis environ...je ne sais même pas.

— Bouge ton cul, mec, on grouille.

Comme d'habitude, c'est la voix caverneuse de Half qui me sort de ma transe. Je lui lance un regard furtif et le suis jusqu'à la sortie.

En chemin, Éloïse, une amie d'enfance, nous rejoint, complétant ainsi notre groupe de trois.

Depuis les bacs à sable, nous avons toujours été aussi soudés. Que ce soit au primaire, au collège ou même maintenant, au lycée, rien n'a changé.

À Fleur De MauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant