Épisode 8

5 0 0
                                    

Jacob était assis aux côtés de Sahel dans la salle commune de visite. Ses jambes tremblaient. Des détenus entraient et sortaient mais Aaron ne se montrait toujours pas. A chaque ouverture de porte, le cœur de Jacob s’arrêtait. Un prisonnier, puis un autre, un troisième… Jacob pensa que peut-être il avait changé d'avis, que finalement son absence, son silence n'étaient pas excusable et qu'il refusait finalement de le voir. Sahel, qui pouvait percevoir son angoisse, tenta de le rassurer :

- Nous sommes en avance. Je suis sûr qu’il ne va pas tarder ! Rassurez-moi, il était ponctuel à vos rendez-vous ?

Jacob ne put retenir quelques mots légers :

- Seulement aux deux premiers !

Le rire de Sahel allégea l’atmosphère. Quelques instants plus tard, ses doutes furent balayés lorsqu'Aaron passa la porte. Jacob fut soulagé de le retrouver souriant, et visiblement bien portant.
Il se leva, s'approcha doucement, ne sachant vraiment comment réagir. Aaron l'enlaça aussitôt, posant un baiser discret dans sa nuque en lui glissant :

- Tu m'as tellement manqué...

Jacob se rassit sans réussir à dire un mot. Sahel se présenta afin de dissiper la gêne :

- Sahel Mektoub. Je suis ravi de vous rencontrer Monsieur Davis.
- Appelez-moi Aaron, je vous en prie.
- Seulement si vous m'appelez Sahel.
- Faisons comme ça. Alors Sahel, dites-moi ce que mon cher et tendre a fait pour vous convaincre de venir aider un cas désespéré comme le mien ?
- C'est un peu compliqué Aaron... Je pense que c'est à Jacob de vous l'expliquer.

Jacob fixa longuement Aaron. Il hésita. Aaron l'interrogeait du regard. Puis finit par ajouter :

- Jacob... Tu me fais peur ? Tout va bien ?
- Écoute Aaron, les choses ont été un peu plus compliquées que ce que j'ai bien voulu te laisser croire ces dernières années...

Aaron ne comprenait toujours pas où Jacob voulait en venir. Alors Jacob poursuivit. Il lui expliqua tout, d'une traite, sans s'arrêter. Toutes les économies qu'il avait dilapidées dans les frais d'avocat, dans les factures à payer car il n'avait pas pu reprendre le travail tout de suite après l'incident. Son travail qu'il n'avait pas réussi à garder. Épuisé, incapable de se concentrer. Puis les factures qui s'étaient accumulées. La léthargie dans lequel son absence l'avait plongée, tout qui s'était petit à petit étiolé. Jusqu'à ce jour où il avait été expulsé de l'appartement. Il n'avait personne ici. Gabrielle, son ancienne collègue était partie vivre en Californie. Il n'avait même pas osé se tourner vers Betty, sa belle-sœur, honteux de la situation qu'il traversait et persuadé au fond de lui que c'était mérité. Il y avait eu les premières nuits. Puis les premières semaines. Le silence que Jacob avait mis entre lui et Aaron, les absences de plus en plus fréquentes. Juste quelques mails. De moins en moins souvent. Puis il y avait eu Mathilda. A cet instant, Jacob fit une pause. Se demandant si l'homme qu'il aimait n'allait pas lui demander de se faire interner après qu'il ait dit ce qu'il allait lui dire. Il hésita puis poursuivi :

- Aaron... Cette petite, Mathilda. C'est, c'est elle qui m'a permis de rencontrer Gloria et sa femme Amira. Amira qui est la sœur aînée de Sahel. Cette petite, Aaron...

Il s'arrêta à nouveau. Sahel l'observa et voyant qu'il ne pouvait poursuivre, submergé par l'émotion, il prit la liberté de poursuivre :

- La petite est morte, Aaron.

Un frisson parcourut Aaron.

- Quelle tristesse... C'est affreux. Que lui est-il arrivé ?
- Non, je veux dire, quand Jacob a rencontré cette petite, elle était déjà morte... ajouta Sahel face à un Aaron médusé qui ne disait plus un mot.

MathildaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant