Without title 58

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Tout a commencé avec une simple fissure au sous-sol. Quelque chose que n'importe qui aurait laissé passer, quelque chose de si anodin qu'on ne le remarque même plus parmi les nombreux défauts de construction de ce vieil édifice de pierre et de métal que certains pensent même détruire. Après tout, ça prend de la place et sérieusement, qui a encore besoin de s'attacher au soi-disant passé merveilleux et sans pareil ? De toute façon, ce n'est qu'un bloc de pierre comme les autres qui finiront par se détruire avec le temps, mais selon moi, non. Cet endroit, c'est une demeure du passé et tout commence quand on y entre. Les matériaux précieux qui sont utilisés pour la construction de l'entrée sont prestigieux. Marbre pour le plancher et même certaines parties des murs, lustre sertit de pierres semi-précieuses et toutes sortes de bois exotiques se côtoient pour former cette tour qui a toujours eu une ambiance magique. À chaque fois que j'entrais à l'intérieur, c'était un subtil mélange d'une ambiance froide comme le marbre et chaude et confortable avec les arbres, les chaises et les tables qui se positionnent en amoncellement autour des quelques cafés de la place. C'est bien étrange pour le prestige de ce bâtiment, certains commencent même à se dire que ce n'est pas approprié, mais les « restaurants » sont plutôt constitués de fast-foods comme un McDonald's, quelques cafés et même certains vendeurs de crème glacée. Toujours les mêmes personnes qui critiquent cet endroit se demandent à quoi il sert. Il peut effectivement être difficile de comprendre à quoi ce grand bloc de pierre peut servir, et c'est vrai que ce n'est pas un grand carrefour d'entreprises, mais un musée. Oui, c'est un grand édifice en plein centre de New-Work et il sert simplement d'exposé du passé. C'est pourquoi certains veulent le transformer en banque. Mais non. Je ne le veux pas. Je me fais dire bien souvent que tout le monde bénéficierais de cette nouvelle infrastructure, mais je ne peux simplement pas, c'est plus fort que moi, simplement pour le passé, cet endroit doit vivre. Je me rappelle si bien de ce moment que j'ai passé avec, la première fois que j'ai patiné sur cette grande glace au centre du deuxième étage. Les lumières colorées qui dansaient sur nos deux corps qui se déplaçaient en parlant de tout et de rien sans se soucier de quoi que ce soit, comme si tous les travailleurs stressés se demandant quand est leur prochain rendez-vous avaient disparus. Comme s'il n'y avait que nous dans ce monde féérique de lumières passant du bleu au rose, comme au fond d'un océan d'un film d'animation pour enfants, la musique valsant dans nos oreilles entraînant nos corps dans une danse main dans la main dans l'infinité du temps qui s'étendait jusqu'à notre épuisement. Nous discutions, mais sans parler des travaux complexes et des défis difficilement surmontables qui nous attendaient. L'important, c'était maintenant et seulement maintenant. Des blagues, des sentiments, tout se mélangeait dans nos sourires et nos rires qui semblaient ne jamais vouloir se finir. Bien sûr, nous sommes un jour sortis de cette danse, mais jamais les marques ne sont parties, et encore hier je pouvais voir les marques des lames de nos patins sur la glace. Je ne peux plus les voir là-bas maintenant. Parce que je n'ai qu'à lever ma main pour les voir. Je n'ai qu'à lever ma main pour la voir se fissurer, se déchirer, remplacée par du sang bleu et des croûtes noires qui vont bientôt se répandre dans mon cœur.
De toute façon, tout a commencé avec cette fissure. J'étais au sous-sol, je me remémorais les bons moments que je passais avec lui à regarder ces documents et je me languissais devant les photos de notre relation passée quand je l'ai aperçue. Je ne m'inquiétais pas pour la structure avant, parce qu'il restait toujours de l'espoir. Tout le monde le dit, l'espoir fait vivre, et là, c'était plus vrai que jamais. Dans cet ancien livre, qui remonte à nos premiers moments émanait encore une lumière chaude comme celle d'une chandelle dans la nuit. Celle qui me permettait de continuer à imaginer qu'un jour, le bâtiment retrouverait de son prestige et que je pourrais enfin le retrouver, mais hier, je l'ai vue devant mes yeux. Je l'ai vue s'éteindre. Le livre n'en était plus un, remplacé par une chandelle blanche. Blanche, de laquelle émanait maintenant une lumière blanche comme un fantôme. Je ne ressentais plus cette chaleur que je ressentais avant à chaque fois que je la voyait. Je ne ressentais que la lumière qui me parvenait. Plus de papillons dans mon ventre. Qu'une lumière froide dans la grande bibliothèque. Si ce n'était que cela, ça aurait pu passer, n'être que très normal et ne pas me faire paniquer, mais sur le socle de métal qui la soutenait, j'ai vu les mêmes croutes noires horribles que j'avais sur mes mains. Et j'ai su ce qui arrivait. J'ai essayé de raviver a flamme en soufflant dessus, en lui donnant le plus de chaleur possible, l'entourant de mes bras, mais je le sentais. Mon cœur et mon corps aussi étaient froids. Je n'avais plus aucun moyen de raviver la flamme, alors je me suis assis à la table et j'ai regardé la chandelle se transformer en une pierre noire et stérile. Je connaissais déjà l'effet que cela me produirait, mais j'ai quand même été surpris par la puissance avec laquelle le froid s'empara de moi. Finalement, la flamme devint noire et plus jamais je ne la referai. Je me sentis soudain plus léger. J'avais l'impression de flotter par-dessus mon propre corps. De voir la situation depuis la personne qui la regardait. Pourtant s'était bien moi. Je revins alors dans mon corps, mais je sentais que j'avais perdu quelque chose. Je sentais que je n'allais jamais vraiment guérir de cela, alors je décidai de dormir ici. De dormir dans cet immeuble. De caresser les cicatrices profondes que m'ont laissées les lames de ses patins. Alors quand l'immeuble entier tomba, je n'essayai même pas de me débattre, je restai là en attendant mon sort qui arriva assez vite. Une énorme plaque de glace transperça mon cœur, mais sans grands dégâts. Parce que le sang qui sortit ne fut qu'un liquide noir et visqueux. Mon âme d'échappatoire de mon corps, mais jamais ne sortit de sa prison de glace. Un jour peut-être viendra-t-il me chercher, me libérer, mais faut-il toujours qu'il sache que je sois ici. De toute façon, autant qu'Il soit heureux.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 17, 2021 ⏰

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L'heure noire | Without titles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant