Chuuya se perdit.Sa tête était emplie de parasites, il ne distinguait plus les formes, les couleurs, ce qui l'entourait. Seule la haine, brûlante, énorme dans sa poitrine s'imposait à ses yeux sombres.
Ses prunelles jadis bleues avaient viré au noirâtre ; comme le ciel devient lugubre lorsque trop d'eau est retenue dans les nuages, Chuuya s'apprêtait à faire bouillir ses orages.
Mais tout était morne, mort depuis des jours et des jours.
La colère subsistante le consumait lentement. Le froid courait sous ses vêtements. L'alcool salissait sa gorge. Dazai. Dazai. Plus "Osamu".
Il les cachait bien, toutes ses failles, toute sa peur. On l'avait encore laissé seul, mais Chuuya faisait face (ou devant les autres il feignait l'indifférence),
Koyo elle même ne se doutait de rien. Tout le monde savait que Chuuya et Dazai entretenaient une relation à caractère sexuel, mais ils ne concevaient pas leurs sentiments amoureux. (eux mêmes ne les concevaient pas)
Puis de toute façon personne ne s'inquièterait jamais pour lui. Qui s'inquièterait pour un mafieux ?Adulte dans un petit corps, esprit souillé de haine et de colère tout à fait justifiées. Amour vain, inconnu, tout fragile parce que terrifié. On l'avait encore laissé seul.
L'amour ne se brisait pas, il s'éparpillait partout dans son corps et noircissait ses yeux, faisait frémir sa bouche, terrassait sa gorge, enfermait son cœur dans une cage de regrets...mais il restait intact.
Sa fragilité n'était que tristesse, et la tristesse c'était Dazai; tantôt le chagrin, tantôt son remède.
Et Chuuya voyait Akutagawa, un enfant, comme lui lorsqu'il avait rencontré Dazai. Perdu au milieu des grands méchants, abîmé, pâle, à fleur de peau. Contre sa pauvre oreille subsistait les reproches et les insultes de son ancien mentor.
Pour se donner bonne conscience, et parce qu'au final il ne pouvait s'empêcher de se sentir responsable d'Osamu, Chuuya avait décidé d'être agréable avec lui. De l'empêcher de se noyer dans sa déité.
Peut-être que s'il avait fait de même avec Dazai, il serait resté. S'il lui avait témoigné plus de tendresse...
Des pensées comme ça, il en avait plein. Pourtant Chuuya savait que ce n'était pas de sa faute. Donc il se saoulait. Puis il se droguait parfois. Et il fumait trop, à s'essouffler d'une journée de travail.
Une nuit la souffrance consuma entièrement son corps et son esprit. Il ouvrit les yeux et sentit que c'était trop. Il devait expulser.
Doucement, Chuuya ôta le manteau noir de Dazai (qui le couvait encore pendant son sommeil) et se rendit jusqu'au port. L'obscurité veloutée souffla sur son visage, la lune pleine brillait au milieu d'un ciel sans étoile. Elle se reflétait contre l'eau sale.
Dazai était parti depuis plusieurs semaines et le soleil se levait de plus en plus tôt ; l'été se dessinait au bord des aubes et Chuuya avait froid.
Il s'en alla chercher un bidon d'essence dans un entrepôt à l'ouest, puis trouva dans la poche de son manteau un paquet d'allumettes couleur crème.
Chuuya était serein, docile, engourdi de fatigue. Ses yeux grands ouverts ne voyaient que ses propres mains pâles et tremblantes qui ressortaient un peu dans la nuit noire; les mains saisirent le bidon d'huile et répandirent une flaque sur le sol gris. Ensuite elles jetèrent le gros manteau dedans, sans remord, en le caressant une dernière fois. Puis elles frottèrent l'allumette contre son paquet, son bout prit feu, et le manteau aussi.
VOUS LISEZ
La déchéance de nous - soukoku
FanfictionDazai et Chuuya étaient raides au milieu de la nuit. Il faisait froid, le vent mordait leurs joues rouges et mouillées, il piquait leurs coeurs déjà brisés. TW ; Dazai et Chuuya donc suicide, automutilation, insultes, violence GROS GROS GROS TW DROG...