Deux âmes solitaires

La TVA

           La lumière de la lune faisait couler l'ombre des longs pins fins de la forêts, telle de la suie salie, sur les immenses pierres qui se dressaient en cercle dans la petite clairière. Les hululements de chouettes et les craquements de branches sous les pas des animaux nocturnes formaient là tout le silence de la nuit. Lorsque qu'une silhouette tout de noir vêtu, passa furtivement entre les troncs, ne formant en définitive qu'un amas de vagues traits noirâtres, celle-ci tut le silence reposant du bois en cette heure tardive. Plus un son de vie ne se fit, alors que le long manteau posait un premier pas sur l'herbe humide de la clairière. La silhouette s'avança jusqu'à se trouver au centre du cercle de pierres dressées. Un silence de mort engloutissait le bois et la silhouette s'accroupit au milieu de la clairière. Devant elle, se dressait la plus haute et la plus sombre des pierres. De sous son manteau, l'étrange personnage sortit sa main où elle tenait fermement une lame, puis elle sortit son autre main d'où pendait un petit sac en grosse toile qui semblait rempli d'une lourdeur. La silhouette renversa le sac et en glissèrent douze petits cailloux gris, elle les arrangea en un petit cercle et tendit sa main libre juste au-dessus. De sa main qui tenait la dague, elle approcha la lame de sa paume libre et referma son poing tout autour, serrant celui-ci avec fermeté sur l'argent tranchant. Tout en marmonnant des paroles inaudibles, la silhouette retira doucement la lame de son poing, laissant un filet de sang rencontrer l'humus de la petite clairière, au centre du cercle de cailloux.

Nous étions quelque mois plus tard, la jeune Rose Le Blanc, les mains dans les rayons, était au téléphone depuis plus de trente minutes.

« Tu repars déjà ? questionna la voix robotisée de Michael à travers le téléphone de Rose.

- Qu'est-ce que tu voudrais que je fasse ? Je ne me sens plus chez moi ici, lui répondit-elle en cherchant désespérément un dernier paquet de Kinder-Pingui afin de ne pas être à cour une fois dans la Zone de Temps Nul.

- Ce n'est tout de même pas normal pour une humaine de ne plus se sentir chez soi sur Terre, Rose, renchérit Michael qui n'attendait qu'une chose, que celle-ci ne reparte plus travailler pour cette organisation au nom beaucoup trop long.

- L'Autorité de Variations Temporelles me va très bien pour l'instant. Tu m'as dit que tu voulais que je fasse quelque chose que j'aime, et c'est exactement ce que je fais, lui rétorqua-t-elle.

- Je n'imaginais pas que ça allait t'emmener sur une autre planète, lui fit-il remarquer, découragé, il la savait têtu comme une mule et ses caprices avaient le don de l'exaspérer.

- Une autre dimension, le corrigea-t-elle, toujours la main dans les rayons. »

Rose était une jeune célibataire de trente-cinq ans et son cadi le prouvais aux yeux de tous les usagers du supermarché. Des yaourts à l'unité, des portions de viandes ridiculement petites, et elle avait gardé la fâcheuse tendance à encombrer ses placards de produits comme des Kinder, des bouteilles de Yop, des briques de Candy'up et des tablettes de chocolats en bien trop grandes quantités comparés aux portions qu'elle avait déjà dans son cadi. Elle était ce que l'on appelle une « grande ado ». Elle vivait seule depuis six ans maintenant et à en juger par le contenu de ses courses, ne semblait pas avoir d'animal de compagnie. La solitude n'était pas un problème pour elle, loin de là. Rose n'était pas particulièrement associable, elle aimait passer des soirées avec des amis, rendre visite à sa famille mais elle appréciait tout particulièrement la compagnie du silence, apaisant, relaxant, tous ses problèmes semblaient se volatiliser dès qu'elle se retrouvait seule, avec pour seul accompagnement, la douce mélodie du silence.

« Tu me rendras visite avant de partir au moins ? repris Michael.

- Je ne pense pas, je pars demain à l'aube, et ce soir j'ai besoin de me reposer, lui répondit-elle.