Chapitre 5

194 20 11
                                    

Kageyama se réveilla soudainement, essoufflé et tout transpirant. Ses yeux lui faisaient terriblement mal, la douce lumière venant de la fenêtre tapant directement sur son visage. Il tourna sa tête contre son  oreiller à la recherche d'ombre. Mais ses yeux étaient toujours autant douloureux. Il réalisa que la lumière n'était pas le problème. Il passa alors ses mains sur ses yeux et senti sous le contact de ses doigts, une peau rêche et desséchée. Il se redressa d'un seul coup et comprit quelque chose. Si ses yeux lui étaient si douloureux, c'est qu'il avait pleuré. Tellement pleuré que les larmes avaient séché. Les souvenirs de la vieille lui revinrent si vivement qu'il eut l'impression d'en être frappé. Que s'était-il passé ? Était-ce réel, ou bien un rêve ? 

La sonnerie de son réveil sonna, le sortant de ses questionnements. Il prit son portable qu'il alluma. Une photo de l'équipe de volley s'afficha sur l'écran d'accueil tout comme la date et l'heure. Il n'y préta d'abord pas attention mais la date qu'affichait son téléphone était celle qu'il affichait hier. Lorsqu'il se rendit compte de ce détail, il s'arrêta, décontenancé mais surtout stupéfait. Bien qu'il était du genre très terre à terre et peu emballé par les problèmes temporels, il se douta de quelque chose. Ce qui conforta ces doutes était d'une part les souvenirs qu'il avait de la veille. Ces souvenirs ne pouvaient être des faux. Il n'aurait pas pu s'émouvoir autant pour un simple rêve, bien qu'il en ai déjà fait quelques-uns d'assez durs. D'une autre part, après s'être préparé, il descendit dans la cuisine pour prendre son bento qui ressemblait traits pour traits à celui de la veille. Ce n'était donc certainement pas un rêve...

Pressé de voir Hinata en vie, il parti plus tôt. Sur le chemin, il se souvint des recherches qu'il avait fait la dernière fois. Le doute s'empara de lui, mais sa spontanéité prit le dessus et le mena jusqu'au fleuriste le plus près de chez lui. Il n'avait pas vraiment prévu d'acheter des fleurs, ne s'y connaissait pas et n'avait pas forcément beaucoup d'argent. A nouveau, il se sentit honteux devant la jeune fleuriste lorsqu'elle lui demanda ce qu'il désirait. Remarquant son manque d'assurance, elle forma un petit bouquet fin et sobre mais d'une élégance très satisfaisante. Il était composé de trois magnifiques dahlias ainsi que de quelques autres fleurs blanches qui venaient enjoliver le tout. 

"C'est pour votre petite amie ? demanda la fleuriste, presque émerveillée de voir un jeune garçon acheter des fleurs à quelqu'un.

 Kageyama se sentit rougir et, bégayant, répondit  : Non, c'est juste pour être gentil."


Une fois sur le chemin de l'école, il commença à se remémorer plus sérieusement ce qui avait conduit à la catastrophe du jour même. Il choisi alors le vélo comme responsable et décida d'aller directement chez Hinata. Ainsi, il l'empêcherait d'aller au lycée en vélo et aucun accident ne se produirait. Or, quelque chose le tracassait bien plus que ce vélo. Est-ce que l'accident qui avait eu lieu le soir vers 20 heures, pourrait avoir lieu aujourd'hui, à n'importe quelle heure de la journée ? Bien qu'il ait fait quelques recherches avant de partir de chez lui, il n'avait trouvé aucune réponse, personne n'ayant jamais expérimenté ce genre de situation. Le doute le prit à nouveau : devait-il enfermer Hinata toute la journée dans sa maison, ne pas le faire sortir et veiller sur lui ? Mais il ne pouvait pas être sur que rien n'arriverait, même chez lui. Alors, il mit en place ce qui lui semblait, à ce moment, le plus judicieux. 

Arrivé devant la maison d'Hinata, l'émotion le submergea. Il faisait tout pour retenir ses larmes mais elles affluèrent sur ses joues sans aucune pitié. Il se cacha à coté de l'entrée et s'assis par terre, le bouquet toujours en main. Il ne voulait en aucun cas que son rayon de soleil puisse le voir dans un tel état, il en était hors de question. Les images de la veille, de l'accident, d'Hinata retombant lourdement sur le sol, il ne voulait plus les voir. Pourtant, bien qu'il faisait tout pour chasser ces portions de mémoires gravées en lui, rien ne parvenait à empêcher leur retour continuel. En l'espace de quelques heures, le petit rouquin était devenu une sorte de coupure. Une coupure sur le corps de Kageyama, une coupure qui ne cessait de saigner. 

Il prit alors son courage à deux mains et pénétra dans le jardin qui se dessinait devant la maison. Sous un petit abris sobre et succin, il vit le vélo qui lui donnait tant de haine et de malheur. Il s'en approcha et sortit de sa poche un clou. Kageyama n'hésita alors pas une seconde et l'enfonça dans le pneu avant de son ami. Voyant l'air se retirer par le trou qu'avait laissé le clou, il fut soudainement soulagé et un léger sourire de tristesse se marqua à son visage. Il se dirigea vers le portillon mais le cri d'Hinata le surpris tellement qu'il se retourna subitement. " Kageyaaaaammaaaaa" hurla-t'il, un sourire prenant tout son visage, apportant à la journée déjà ensoleillée encore plus de chaleur. En fait, Kageyama n'avait pas prévu ça, ça n'était pas vraiment dans ses plans. 

"Tu es venu me chercher ?! C'est trop gentil, ça me fait hyyyyper plaisir, tu peux pas savoir ! Le petit rouquin s'approcha presque en courant de son ami et le regarda avec étonnement. Tu es sur que ça va ? Tu as les yeux tout rouges et des cernes énormes" ajouta-t'il d'un air étonné et curieux. 

" Lâche moi la grappe imbécile, dépêche toi on y va..." 

Hinata se dirigea vers son vélo et l'enjamba si vivement qu'il en perdit presque l'équilibre. Il commença à rouler sans se rendre compte que son pneu avant était totalement crevé. Kageyama tapa affectueusement son poing sur sa tête et lui fit remarquer qu'il ne pourrait pas rouler, ajoutant à sa courte phrase toute une ribambelle de petites insultes. Une fois hors de la maison, ils se dirigèrent donc vers le lycée. Kageyama était complètement chamboulé, la vision d'Hinata, yeux ouverts, du sang coulant de sa bouche sur le sol, fixant le ciel sans vie le terrifiant et posant sur ses épaules un terrible poids. Soulageant sa conscience, il porta son bouquet de fleurs - qu'il avait déjà presque oublié - à la hauteur des yeux du garçon, se cachant en tournant la tête de l'autre coté de la rue. Ainsi, il évitait tout contact visuel. D'abord, Hinata ne comprit pas vraiment pour quelle raison des fleurs venaient obstruer sa vue. Puis, lorsqu'il vit la réaction de son passeur favori, il comprit. 

"Et en quelle occasion Kageyama ? Lui demanda-t'il sur un ton décontracté si propice à la rigolade. Cette petite attention lui faisait tant plaisir qu'il en eu presque les larmes aux yeux, tout comme la sensation de joie qu'il eut lorsqu'il vit à travers la fenêtre que son ami était venu l'accompagner pour aller au lycée. Il savait pourtant qu'ils n'habitaient pas forcément à coté l'un de l'autre et le bouquet de fleurs qu'il venait de lui offrir accentua encore plus son étonnement. Kageyama répondit alors très simplement " Parce que je veux être gentil avec toi... Parce que je... je t'apprécie ! ". Après ces quelques mots, la honte le submergea à nouveau. Un tsunami de joie le percuta, Hinata propageant sa bonne humeur à tous les coins de rue, lui même étant touchée par cette onde de gaieté. 

S'en s'en rendre compte, il commençait lentement à changer. Il changeait pour faire plaisir à celui qu'il aimait, pour ne plus jamais entendre les quelques mots de la veille, des mots froids et trop durs à entendre. C'était comme s'il souhait se faire pardonner. Il demandait le pardon, à la recherche d'une quelconque rédemption. Il désirait par dessus tout profiter de sa vie et cela passait bien évidemment par la communication de ses sentiments.  

Ainsi, sur une ambiance inhabituellement décontractée et amicale, les deux garçons prirent la route du lycée... 

  

Born to save youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant