45. La fête

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Lorsque la sonnerie annonça la récréation, Yoake se dépêcha de ranger ses affaires dans son sac. Il lui tardait de s'éloigner de ses camarades de classe, de trouver un coin bien tranquille où s'installer en étant sûre de ne pas être dérangée.

Mais c'était sans compter l'existence de ce nouvel élève ; le garçon qui lui avait parlé auparavant abattit brusquement ses mains sur le bureau de la lycéenne et dit, un sourire arrogant plaqué sur le visage, "Nisshoku, c'est ça ? Ravie de te connaître. Au cas où tu le savais toujours pas, je m'appelle Kase Tadamichi."

"Bonjour," répliqua simplement Yoake sans croiser son regard. Elle rangea le dernier de ses cahiers dans son sac et se leva, prête à partir, mais Tadamichi lui bloqua le passage. 

"Je fais une fête samedi soir," lâcha-t-il. "Toute la classe est la bienvenue, toi y compris."

Yoake secoua la tête, comprenant la tactique du garçon. "Désolée pour toi, mais je ne suis pas le genre de fille à tomber amoureuse de types comme toi. Ne le prends pas mal."

Tadamichi éclata de rire. "T'es perspicace," sourit-il. "Si jamais t'es intéressée par cette fête, appelle ce numéro." Il lui glissa une petite carte de visite entre les doigts. "T'attends pas à tomber sur moi, c'est pas moi qui décroche les centaines d'appels que mon père reçoit."

Sans rajouter quoi que ce soit, il tourna les talons et s'en alla en laissant derrière lui une Yoake bouche bée. 


Le regard de Yoake s'arrêta sur le luxueux portail de fer qui lui barrait l'accès. Son coeur cognait douloureusement dans sa poitrine. Elle s'était déjà rendue à ce genre de fête auparavant, mais elle en avait perdu toute habitude. Il fallait qu'elle respire. 

Elle pressa son doigt sur la sonnette en réprimant un frisson. La lune qui brillait dans le ciel paraissait envoyer ses rayons glacés refroidir son âme. 

La porte d'entrée de l'imposante demeure s'ouvrit, une vingtaine de mètres plus loin. Un homme habillée de manière formelle en sortit, suivi d'un jeune garçon qui se déplaçait nonchalamment avec les mains dans les poches. Lorsqu'il vit Yoake, son visage fut traversé d'un sourire ; peut-être était-ce un rictus, Yoake n'aurait sur le dire, elle était trop loin. 

Les deux hommes la rejoignirent. Le premier, qui paraissait être un majordome, ouvrit le portail avec une lenteur décourageante. Il ne prononça pas un mot, ne saluant même pas Yoake. En revanche, le lycéen qui se tenait à côté sortit l'une de ses mains de ses poches et salua la jeune femme. Yoake répondit avec un sourire timide. 

"Tu t'es pointée, finalement ?" demanda-t-il en la guidant le long de l'allée pavée bordée de fleurs qui menait jusqu'à la porte d'entrée. "Je croyais que tu viendrais pas. T'as paumé le numéro de téléphone de mon père ?"

"J'ai pas osé appeler," avoua Yoake sans croiser son regard. "J'ai deviné que tu étais assez... aisé. J'aurais préféré que tu me donnes ton numéro de téléphone portable."

"J'ai pas de téléphone," répondit simplement Tadamichi. 

Yoake le dévisagea d'un air surpris. Ce garçon était un "gosse de riche", comme les appelait Hashibira, il avait tout et ne se voyait certainement jamais refuser quoi que ce soit mais il n'avait pas de téléphone portable ! L'un des seuls objets garantissant une place particulière dans la société et il n'en avait pas en sa possession. A y repenser, Yoake se demanda s'il n'avait pas une sorte de punition infligée par ses parents ; Tadamichi allait dans un lycée pas spécialement connu pour sa richesse, il n'avait pas de téléphone portable, et il avait tout du garçon rebel mal élevé. Peut-être avait-il une histoire cachée sous son épaisse couverture de garçon "populaire" ?

Tadamichi la fit asseoir dans le salon ; il ne lui présenta personne. Ni les lycéens qui se bousculaient sur la piste de danse, trébuchant les uns sur les autres tellement il faisait noir, ni les adultes qui circulaient entre les groupes avec un plateau sur la main. Il ne lui présenta pas non plus la fille qui se tenait un peu à l'écart, sirotant un verre de menthe sans quitter des yeux les jeunes personnes qui s'amusaient devant elle. 

Yoake coinça ses mains entre ses cuisses en regardant autour d'elle d'un air peu rassuré. Elle ne s'était pas attendu à une fête ressemblant à celle-ci. Elle n'avait jamais assisté à ce genre de soirée. Le genre où l'on ne connaît même pas le quart des personnes à qui l'ont parle. 

Après l'avoir laissée seule pendant un petit moment, Tadamichi revint avec deux bouteilles dans les mains. Il en mit une entre les mains de Yoake et ouvrit l'autre pour la porter à sa bouche.

"Qu'est-ce que c'est ?" demanda Yoake alors même qu'elle connaissait très bien la réponse. 

"De l'alcool," répondit Tadamichi. "T'en as jamais bu ?"

"Non," répliqua Yoake, regardant la bouteille d'un air farouche. 

"C'est le moment d'essayer," sourit Tadamichi. "Et je t'apprendrais à fumer. Tu verras, c'est génial."

Yoake pensa immédiatement à Aemi ; si jamais elle-même prenait l'habitude de fumer, que ferait sa fille lorsqu'elle serait plus grande ? De toutes façons, la fumée n'était pas bonne pour sa santé. 

"Non merci," lâcha Yoake en secouant la tête. 

Tadamichi se pencha vers son oreille et murmura, "Si tu t'inquiètes pour ta fille, t'as pas de soucis à te faire. Du moment que tu fumes pas près d'elle elle craint rien."

Affolée, Yoake tourna brusquement la tête vers lui. Comment savait-il pour Aemi ? Personne de la classe ne le savait, et elle ne l'avait rencontré que quelques jours plus tôt. Comment était-ce possible ? Pire encore, que devait-elle lui répondre ? 

Le jeune homme éclata de rire. "Tu fais une de ces têtes !" Il reprit son sérieux en quelques secondes. "Je suis le seul à savoir, t'inquiètes pas. C'est qui le daron ?"

"Le daron, comme tu dis," répliqua Yoake, à la fois blessée et sur la défensive, "n'est certainement pas un garçon de ton espèce. Il est bien moins grossier."

Ignorant les piques qu'utilisait Yoake pour se défendre, Tadamichi sourit de nouveau. "Il s'appelle comment ? Et il a quel âge ?"

"Tu le connais pas," marmonna Yoake. "Il a le même âge que nous."

"Il ressemble à quoi ?"

Yoake sentit le bout de ses oreille s'empourprer et ses joues la piquer. "C'est le plus merveilleux des garçons."

"D'accord !" s'exclama Tadamichi. "Je suis pratiquement sûr qu'il ne sera jamais plus merveilleux que moi mais bon, chacun ses délires hein. Enfin bref, on va faire la teuf ?"

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