Chapitre V: Zach

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Je remonte ma couette en grognant dans l'espoir -futile je l'admets- de faire fuir les quelques rayons de soleil qui ont le malheur d'effleurer ma peau à une heure bien trop matinale. Mais visiblement aussi têtus que moi, ces derniers continuent de réchauffer mon visage. Pourquoi le soleil ne fait jamais la grasse matinée le dimanche ? Non mais c'est vrai, quoi...

-- Ça va, ça va, j'ai compris. Je me lève, marmonné-je en me contentant de me retourner dans mon lit.

Comment expliquer à la lumière que si elle, elle s'est couchée à vingt et une heure, moi je n'ai atteint mon lit que bien après minuit ? Donc si elle pouvait aller embêter une autre personne, ça m'arrangerait clairement... Mais le sommeil semblait avoir déserté mon cerveau, effrayé par les rayons du soleil. Lâche...

Je me redresse péniblement. Grimaçant, je passe une main dans mon dos. Toujours aussi courbaturée après une crise, on ne perd pas les bonnes habitudes. Il faut dire que la journée de la veille n'a pas été facile. Entendez l'euphémisme dans ma dernière phrase... Une fois la discussion ou plutôt le monologue de mon père m'ordonnant de me détacher de cette histoire, que ce n'était pas bon pour moi de toujours déterrer ces souvenirs et tout ce blabla, j'ai quitté l'hôtel aussi furieuse et peinée que soulagée. Appelez-moi Miss Contradiction... Sérieusement même moi, j'ai du mal à me suivre. Je crois que j'étais en colère et blessée qu'il m'écarte d'une affaire me touchant à ce point de manière si brutale. Mais en même temps, j'étais soulagée car la douleur de la victime refusait de me quitter et je ne me sentais vraiment pas d'attaque à supporter d'autres émotions. Et aujourd'hui... Et bien aujourd'hui, je suis perdue.

Nous voilà bien avancé Elana, bravo...

Frustrée, je me lève et continue de ranger mes cartons sans pour autant oser toucher au sac qui m'avait tant meurtrie hier. Réveillée pour réveillée autant que ce temps soit utilisé de manière utile. Pendant que je range mes chaussettes, mon cerveau ne peut s'empêcher de cogiter sur la soirée d'hier.

Le corps était allongé à côté du lit. La silhouette se redessine dans mon esprit. Mais rien dans sa posture n'attire particulièrement mon attention.

La pile de tee-shirt se positionne près de celle des sweats dans ma commode.

La fenêtre n'était pas ouverte, pas de porte jointive à une autre pièce susceptible d'être l'entrée du tueur.

J'accroche mes jupes et robes dans la penderie en tentant de me focaliser sur leurs couleurs -d'ailleurs je ne sais pas à quel moment je me suis dit que ce violet aubergine était joli mais bon passons- pour ne plus penser à la scène de crime mais c'est comme pisser dans un violon. Mon esprit ne m'écoute pas et continue d'analyser.

Le Dilomé ne me parait pas être non plus le style de structure à avoir de passage-secret dans ses recoins sombres. Il faudrait vérifier les caméras de surveillance mais j'imagine que c'est le premier truc qu'à demander mon père au proprio avec celles de la rue. Pauvre gars d'ailleurs, c'est déjà le troisième suicide/meurtre entre ses murs. Si on n'avait pas vérifié, je serais convaincue qu'il n'est pas innocent. Mais bon, à chaque fois, sa publicité en prend un coup, il faudrait donc être fou pour s'infliger ça à soi-même. Si t'as vraiment des comptes à rendre, tu ne le fais pas chez toi à moins que tu ne trouves ta couverture médiatique trop flatteuse ou que tu veuilles attirer des gens ayant clairement le goût du risque.

Aucun signe de bagarre ou de lutte. Le lit n'était pas défait, les meubles à leur place. Presque trop parfait. Je n'avais pas vu la seringue mais je suis convaincue qu'elle était présente. La police scientifique avait déjà dû l'emmener quand je suis arrivée.

Du bruit dans la cuisine me tire de mes sombres pensées qui commençaient de toutes manières à me faire monter en pression. Je me rends alors compte que je n'ai pas manger depuis hier après-midi, depuis plus de quinze heures plus exactement m'indique ma montre. Il faut dire que quand je suis rentrée, hier soir ou ce matin -tout dépend du point de vue-, j'étais trop crevée et remontée pour avaler quoi que ce soit. Je me suis juste mise en pyjama et couchée sans me poser de question et en ignorant superbement la fête qui battait son plein dans l'appartement.

Heart's PrisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant