Heart's Prison

Chapitre VII: Glace à la pistache au goût trop âmer

— Assied-toi là, m'indique Maya, voyant que je n'étais clairement plus en possession de mes moyens. Tu veux quoi comme parfum ? Vanille ? Chocolat ? Café ?

Je pose mes fesses sur le banc et réponds sans réellement réfléchir.

— Pistache, s'il te plaît...

Je déteste la glace à la pistache. Mais c'était le parfum préféré de Jess. Je ne comprends toujours pas comment elle pouvait choisir celle-ci quand, à côté, il y avait de la vanille aux pépites de chocolat.

— Justement, aurait-elle répliqué. La pistache est dans l'ombre de la vanille. Personne ne s'intéresse aux ombres. Je lui donne l'occasion d'en sortir. Car sinon, qui le fera ?

Et là, je lui aurais rétorqué en riant qu'il s'agissait d'une question et non d'un sujet de dissert. Mais à bien y réfléchir, n'y avait-il pas de message caché dans ses simples mots ? N'aurais-je pas pu lire le SOS glissé entre les lignes ? Si seulement j'avais su le décrypter, si seulement j'avais senti sa détresse... Mais jamais je n'aurais pu... Car Jessica n'était pas désespérée, elle ne voulait pas d'aide. Elle était juste résignée...

— Chaud devant ! s'exclame soudain Maya me faisant sursauter.

Elle s'installe à côté de moi, deux cornets entre les mains. Je me pousse pour lui faire de la place, la remerciant intérieurement de m'avoir tirée de mes sombres pensées.

— Merci, murmuré-je en prenant la glace.

L'odeur de pistache me titille les narines alors que j'observe les rares pépites de chocolat trainant sur les dessus. Prenant mon courage à deux mains, je mords dans la glace à pleines dents. Une douleur aigue me traverse les gencives alors que le froid m'envahit la bouche. Je ferme les yeux en portant la main à ma bouche. Ça fait hyper mal ! Je ne sais pas comment Jess faisait pour dévorer sa glace en deux minutes sans devenir édentée !

— Tu viens souvent ici ? demande Maya. Tu n'habitais pas loin si je me souviens bien.

— Je venais souvent...

A dire vrai, je ne crois que je n'étais pas revenue depuis un an et demi. Depuis ces putains d'épreuves de français en fait... J'inspire profondément, ravalant mes larmes. Il faut que je remonte... Il faut que je me concentre sur autre chose.

— Sinon côté cœur, ça donne quoi ? la questionné-je en souriant.

Mais, même à moi, ce sourire me paraît faux. Maya a cependant la délicatesse de ne pas insister. Pour la première fois depuis que je la connais, je sens une émotion que je lui pensais inconnue. La gêne, l'embarras.

— Rien d'intéressant pour le moment.

— Pour le moment, répété-je, malicieuse. Ça veut dire quoi ça ?

— Ca veut dire ce que ça veut dire, non ? marmonne-t-elle, les joues soudainement rouges.

— Raconte tout à Tata Elana...

Je souris en me tournant un peu plus vers elle. Une mèche de ces cheveux flamme tombe devant ses yeux tandis qu'elle fuit mon regard.

— Y a rien à raconter.

— Ouiiiii, dis-je en insistant sur le U. Et moi, je suis la reine d'Angleterre ?

— Pardonnez-moi votre Majesté, je l'ignorai. Mais je vous assure que mes mots ne sont que vérité. Ma vie romantique ne fera que vous ennuyer et vous faire perdre votre illustre temps.

— Très bien. Dans ce cas, rendez-vous utile et cirez moi mes chaussures. Je vois une trace de poussière, ce qui n'est point digne de moi.

Nous pouffons alors comme deux gamines, fières de nos dernières répliques. Je ne relance pas le sujet de sa vie amoureuse. Après tout, on ne se connait que depuis hier. Elle m'en parlera quand elle sera prête. Et puis, je serai mal placée pour insister alors qu'elle a eu la délicatesse de ne pas le faire tout à l'heure.