CHAPITRE 3

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              Sur le trajet retour, nous nous sommes assises côtes à côtes dans le métro. Elle a posé sa tête sur mon épaule. C'était je crois notre premier contact physique prolongé ; j'avais envie qu'elle ne se redresse jamais et que le métro, éternellement peut-être, continue sa route jusqu'à atteindre un ailleurs où les choses auraient été différentes. Où elle aurait pu m'aimer par exemple.

Son séjour chez moi n'avait pas même été l'ombre d'une histoire. C'était une parenthèse comme ces courtes éclaircies de fin de journées qui viennent illuminer un ciel pluvieux de novembre. Elle en était l'arc-en-ciel.

Je n'avais pas alors conscience de la fragilité et de la préciosité des moments que l'on partageait. Ils étaient pour moi plein d'espoir et je les imaginais prometteurs, presque autant que je me pensais amoureuse. Peut-être que je l'étais. Elle m'avait fait tellement de bien avant de me faire tellement de mal.

Les souvenirs sont rares, j'ai peur d'en perdre ou pire encore, de m'en inventer de nouveaux.
En rentrant chez moi, au bout de la rue, on s'est données la main. A moins que ça n'ait été avec une autre. Je ne sais plus. Le soir pourtant je sais que nous avons regardé des films d'horreur. Deux me semble-t-il.
La seule chose dont je sois vraiment sûre c'est que j'étais contre elle. Je ne dormais pas, je n'aurais pas pris ce risque. Elle avait son bras autour de mes épaules, peut-être même me caressait-elle les cheveux; j'ai oublié certaines de ses caresses. J'ai presque tout oublié d'elle, de sa façon d'être ; de la façon dont elle était avec moi. J'ai presque tout oublié de ce « nous » mort-né. Je ne m'en souviens que par brides, un peu comme celles, bien rares, que le rêveur garde au matin de sa nuit enchantée. Le reste s'est perdu dans une autre dimension, celle où elle était à mes côtés.

Il ne me reste plus grand-chose d'elle dans ce monde. Ses paupières chatouillant ma joue, la chaleur de son corps contre le mien, sa main qui attrape mon bras pour resserrer la pression que j'exerce sur elle. Je pourrais peut-être me rappeler son sourire, la façon qu'elle a de froncer les sourcils ou encore son regard en coin qu'elle me jetait de temps en temps, sûrement pour voir si je la regardais encore. Et je la regardais. Je la regardais parfois même comme on regarde son petit frère partir la première fois à l'école ; avec beaucoup de tendresse et de bienveillance, en sachant que les prochaines heures seront peut-être difficiles mais qu'à la fin, toujours, nous serons là.

Je n'ai pas été là. 

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