Elle m'a embrassée la première fois entre deux manches d'une partie de Uno.
J'étais allongée à côté d'elle sur le lit et, peut-être pour oublier que je perdais, j'avais fermé les yeux pendant qu'elle mélangeait les cartes. J'ai senti ses lèvres se poser sur les miennes sans comprendre vraiment et lorsque, presque aussitôt, je me suis redressée, elle mélangeait encore les cartes : j'ai cru avoir rêvé.
Nous avons continué à jouer comme s'il ne s'était rien passé et plus le temps passait, plus je me persuadais que ce baiser n'avait jamais existé ailleurs que dans ma tête. Je voulais pourtant vraiment croire qu'il ne m'appartenait pas, qu'elle l'avait initié pour nous et qu'il m'appartenait désormais de faire le prochain pas. Je mourrais de l'embrasser, de connaître encore ces lèvres qui me plaisaient tant sans toutefois pouvoir me décider à le faire. Je le désirai tellement, mais c'était comme si une force supérieure me l'interdisait. Comme si je risquais par ce geste de tout briser et que, du moment où mes lèvres rencontreraient à nouveau les siennes, tout disparaitrait à la manière des bulles de savon sur lesquelles nous posons nos doigts lourds et maladroits. Tout cela était difficilement tenable.
Il a fallu un peu de temps. On a fait plusieurs fois le tour du pot, peut-être même aussi en passant au-dessus et en dessous avant finalement de s'arrêter, de se regarder et que j'ose enfin l'embrasser.
C'était merveilleux. Rien n'a disparu comme je le craignais et, même bien au contraire, tout réellement commencé. Je pense qu'il n'y a, à partir de ce moment là et jusqu'à son départ, pas eu plus de cinq minutes sans que l'on se soit embrassées. C'était comme si nos lèvres se découvraient irrépressiblement attirées les unes par les autres. Comme si nous avions déjà trop perdu de temps pour continuer de l'égrener inutilement ; nous étions déjà le lendemain de son arrivée, la veille de son départ.
C'est un peu plus tard qu'elle m'a attrapée le poignet dans le couloir. Je me suis retournée sur elle et pour une énième fois, nous nous sommes embrassées. C'était déjà presque la fin. Il nous restait quelques heures ; pas assez pour s'aimer.
Nous sommes allées sur le balcon, c'était mon idée mais je ne sais plus même pourquoi je l'ai emmenée là. Il ne faisait pas froid mais c'était tout de même moins confortable que le matelas dont nous disposions à l'intérieur. Nous ne sommes d'ailleurs pas restées très longtemps dehors. J'ai sûrement voulu lui montrer le peu d'étoiles que l'on pouvait apercevoir, lui offrir Paris endormi, partager un bout de silence ; de ce genre de silence profond qu'offre la nuit. Encore plus un soir comme celui-ci. Elle en a peut-être profité pour fumer sur le balcon. J'ai oublié.
En rentrant, je lui ai offert le chocolat blanc que j'avais pris pour elle, et une pierre. Du quartz rose, censé représenter l'amour.
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Playboy
RomanceVoilà qu'elle se lève pour m'échapper. Le voyage déjà touche à sa fin et, alors qu'elle enfile son blouson, je songe une dernière fois à l'arrêter. Je la regarde faire, silencieuse et immobile. Je pourrais essayer de l'arrêter ; dire ou faire quelqu...