Chapitre 3

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Mon plan est simple : je vais retourner près du foyer et trouver un endroit où me cacher. Je dois m'approcher le plus possible pour voir si Mr.Dev y est toujours. S'il est toujours au foyer, cela veut dire que je délire mais s'il n'y est pas, cela signifie que mes suppositions sont sûrement bonnes.

Je prends donc le chemin qui mène au foyer d'un pas peu assuré. Reprendre ce chemin m'angoisse énormément, c'est comme si, chaque pas me ramenait un peu plus en arrière, à une époque que je ne veux plus jamais connaître.

Je m'aventure donc dans cette sombre forêt, pensant que c'est le seul moyen d'apaiser mon esprit et de me libérer de ces doutes incessants. La présence de boue, ainsi que de ronces, salissent et déchirent mes habits, mes habits royaux...

Je me sens soudain mal, comment vais-je expliquer à mon père mon état ? Je commence à prendre peur en réalisant la folie de mon plan : mais qu'est-ce qui m'est passé par la tête ?! Je regarde autour de moi et je réalise que je suis perdue. Je ne sais plus quel chemin prendre : ni celui qui mène au palais, ni celui qui mène au foyer.

Je continue de marcher sans savoir où je vais. Je ne sais plus où aller : si je continue, j'ai peur de me perdre pour de bon, mais si je fais demi-tour, que diront-ils au château lorsqu'ils me verront dans cet état ?

Un bruit me fait tressaillir, en tendant l'oreille je comprends que ce sont des cris de loups. J'essaie de trouver un endroit où me cacher mais, très vite, ils s'approchent de moi. Je repense à la phrase qu'Emmanuel m'a dit avant que je parte : est-ce que ça aurait un lien ? Je commence à regretter ma décision. Qu'est-ce qui m'a pris ?!

Alors que les loups commencent à m'encercler je comprends que je suis perdue.

-A l'aide ! Hurlé-je.

Mais je n'ai que le raisonnement de ma voix en retour. J'emprunte un nouveau chemin en courant un peu au hasard. Peu à peu je crois comprendre qu'il mène au foyer. Je continue ma route en essayant de semer les loups, lorsque, m'approchant de la fin du chemin, une voix résonne dans la forêt.

-Jaël ?

Je reconnais sans peine la voix puissante de mon père. Je suis partagée entre l'idée de courir dans ses bras et celle de me cacher, par honte.

-Jaël ? Où es-tu ?

Je me cache et observe. Les loups semblent s'être enfuis. Je vois mon père s'approcher. Ses serviteurs ne sont pas avec lui. Il s'est déplacé de son palais. Seul. Pour venir me chercher. La culpabilité se fait encore plus grande.

-Jaël ?

Je sursaute : il m'a repéré.

-Pourquoi est-ce que tu te caches ? Demande-t-il en s'approchant.

L'envie me prend de pleurnicher comme une petite fille qui aurait fait une grosse bêtise mais j'ai toujours cette carapace de fierté autour de moi qui m'interdis de montrer un quelconque signe de faiblesse. C'est l'habitude : au foyer si l'on avait le malheur de montrer ses faiblesses, les gens nous huaient.

-Je...Je ne sais pas...Parvins-je à balbutier avec un nœud énorme dans la gorge.

-Où allais-tu comme ça ?

-Je voulais...Commencé-je en regardant la direction du foyer.

-Que cherchais-tu à faire ?

-Je voulais juste...Vérifier un truc...

-Jaël écoute moi, nous savons très bien ce qui t'arrives Emmanuel et moi, mais nous ne pouvons pas t'aider parce que tu veux porter ça toute seule ! Tu sais que très bien que si tu nous demandais notre aide, les choses pourraient changer !

-...

-Pourquoi refuses-tu de nous en parler ?

-Parce que vous seriez sûrement déçus de ce que je vous dirais...

-Tu sais que c'est faux !

Mais que pourrait-il faire de quelqu'un comme moi ? J'ai cette impression d'à nouveau refaire tâche alors que je pensais enfin être libre ! Je pensais que cette vie serait comme vivre un rêve éveillé, qu'en la choisissant je fermais enfin la porte à mon passé, mais je me rends compte qu'il y a toujours un problème, et c'est moi le problème !  Je n'ai rien d'une princesse et mes habits, à présent sales et déchirés me rappellent malheureusement celle que j'étais...Et que, de toute évidence je suis toujours...

Je pourrais lui en parler mais je ne peux pas ou alors je ne veux pas ? J'ai peur qu'on me bannisse, que cette famille dont j'ai toujours rêvé réalise que je ne suis pas à la hauteur et qu'elle ne veuille plus de moi.

Mon père est là face à moi, à me regarder comme s'il voyait les profondeurs de mon cœur, et je me sens mal à l'aise parce que je ne le mérite pas. Je ne mérite pas tout ça, je ne mérite pas d'être appelée sa fille et de vivre dans toute l'abondance de cette nouvelle vie ! Je me sens comme un imposteur.

-Jaël, pourquoi endurcis-tu ton cœur ?

Je ne le regarde même plus , je contemple le sol, mes pieds sont enfoncés dans la boue et je me sens si sale...Pourquoi ne me dit-il rien ? Alors qu'il y aurait tant à dire ! Pourquoi ne me réprimande-t-il pas sur mes vêtements abîmés ? Ou sur le fait que je me suis éloignée trop loin du château ? Pourquoi son regard transperçant ne semble-t-il pas voir toute la noirceur de mon cœur ? Qu'il soit énervé ou déçu de moi je l'aurais compris parce que je me déçois moi-même, mais qu'il me parle avec douceur alors que mon comportement est indigne de lui ça, je ne le comprends pas. Je ne comprends pas comment il arrive à faire preuve d'autant de patience envers moi.

Alors que je contemple toujours le sol, je sens ses bras m'entourer. Cette étreinte est la plus chaleureuse que je n'ai jamais connu, sûrement parce que personne ne m'a jamais aimé comme ça auparavant. Même si, quand je suis près de lui j'ai l'impression d'être la pire personne, sa présence m'apaise.

Je ne mérite pas tout ça mais, alors qu'il me sert dans ses bras je me rends compte qu'il est tout ce dont j'ai rêvé, tout ce dont j'ai besoin et qui m'a manqué durant toutes ses années.

-Que décides-tu ? Est-ce que tu continues ton chemin ou est-ce qu'on rentre à la maison ? Demande-t-il en me libérant de son étreinte.

Je jette un œil vers le chemin qui mène au foyer, lieu de désespoir qui a gâché mon enfance. Je traverse un moment difficile, certes, mais il est hors de question que je retourne là-bas. Je me demande encore ce qui m'a pris.

-On rentre. Finis-je par répondre.

Nous faisons demi-tour et, alors qu'il me reconduit au palais je lui dis :

-Je crois que j'aimerais bien rencontrer Oli.

-Je crois que lui aussi, n'attend que ça. Répond-t-il en me souriant.

Affranchie Tome 2 : Restaurée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant