Chapitre 8

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Je décide de m'éclipser le lendemain matin avant que mes frères et sœurs ne se lèvent en passant par ma fenêtre plutôt que par la grande salle pour éviter de me faire repérer par mon père, Emmanuel ou encore les serviteurs.

Je retourne dans la forêt et prenant garde d'être discrète pour éviter d'attirer les loups. Je ne suis pas rassurée du tout mais je sais pourquoi je le fais.

Néanmoins, plus j'avance et plus je sens une sorte de malaise en moi. Je ne sais pas si c'est dû au fait que je me rapproche du foyer ou au fait que je suis en train de cacher ça à ma famille...Sûrement un mélange des deux.

Des bruits de feuillages me font sursauter. Je reste sur mes gardes.

Même si tout semble autour de moi, vouloir me dissuader de continuer mon chemin, je suis entêtée et je reste persuadée que mon mal-être ne partira pas tant que je n'aurais pas ma réponse.

J'entends des loups au loin, j'attrape un bâton épais et continu de marcher à pas rapides : ils sont encore loin, si je me dépêche, je ne croiserais pas leur chemin.

Je suis de plus en plus angoissée, je l'impression d'être entourée.

J'entends des bruits de pas derrière moi, comme si quelqu'un me suivait.

Le jour commence à se lever péniblement mais je ne vois pas grand chose : il y a du brouillard partout. Les bruits de pas s'intensifient, je cours me cacher derrière un arbre et jette un œil derrière moi, toute tremblante.

Je vois une silhouette approcher, elle n'est pas très claire mais j'ai l'impression qu'il s'agit d'un bûcheron à cause de la hache qui repose sur son épaule. Il s'arrête net à quelques mètres de moi, je commence à avoir peur : est-ce qu'il m'a vu ?

-Tu es sûre de vouloir continuer ? Demande-t-il.

Je sursaute en comprenant qu'il m'a vu et qu'il s'adresse à moi. Je n'ose pas répondre et je décide de continuer mon chemin discrètement.

-Ce n'est pas la bonne direction, le château est de l'autre côté. Dit le bûcheron en s'approchant encore.

A sa voix, il n'a pas l'air mal intentionné.

-Je sais mais je dois aller voir quelque chose...Je lui réponds.

Il s'approche encore tout en restant à bonne distance de moi. Malgré son allure imposante, son regard dégage de la douceur même si j'ai du mal à le voir à cause du brouillard.

-Tu n'es pas sur le bon chemin, celui-là ne te réserve rien de bon Jaël !

Je tressaillis : est-ce qu'il a dit Jaël ?

-Comment est-ce que vous connaissez mon prénom ?

-Tu ne me reconnais pas ?

-Euh...Je...J'ai un peu de mal...

-C'est mon rôle de t'avertir et là tu es en train de faire une erreur...

-Mais...Qui êtes-vous ? Pourquoi vous me dites ça ?

Il commence à pleuvoir et ce qui débute par une petite pluie se transforme très vite en averse torrentielle.

-Jaël rentre au château ! Dit le bûcheron que je commence à ne plus très bien voir.

-Vous ne m'avez pas dit qui vous étiez ! Pourquoi est-ce que je devrais vous écouter ?

-Tu sais qui je suis, au fond de toi tu m'as reconnu !

Alors que je peine à ouvrir les yeux tant la pluie est forte, je le vois rester impassible à la tempête et me regarder avec le même regard que...

-Oli ? C'est toi ?

-Jaël, rentrons maintenant. S'il te plaît.

-Non attends tu ne comprends pas ! Je dois y aller, j'ai besoin de réponses !

-Tes réponses ne se trouvent pas là-bas !

-Mais elles ne se trouvent pas au château non plus !

-Écoute, je sais que ça te semble être la meilleure façon de régler tes problèmes mais ça ne l'est pas ! Tu n'arriveras pas à les résoudre par toi-même, tu as besoin de nous !

La pluie est de plus en plus forte et des bruits de tonnerre commencent à se faire entendre.

-Rentre avec moi. Continue-t-il en me tendant la main.

-Je ne peux pas retourner au château tant que je n'ai pas eu mes réponses, parce qu'il y aura toujours ce malaise en moi Oli ! Il y a cette voix qui me tourmente jour et nuit et je crois que je sais d'où elle vient ! C'est pour ça que je dois aller vérifier ! Crié-je à cause de la pluie.

Je commence à m'éloigner tandis que le tonnerre se fait de plus en plus fort. Derrière moi, la silhouette d'Oli s'éloigne mais je l'entends m'appeler, il me dit quelque chose mais je peine à l'entendre.

-Jaël !

Je l'ignore et continue d'avancer. Je sais qu'il est bien intentionné mais je ne pense pas qu'il comprenne ce que je vis ni pourquoi je dois me rendre au foyer.

-Cette voix te ment ! Hurle-t-il à travers la tempête.

Un éclair zèbre le ciel avec un bruit de tonnerre assourdissant.

-Qu...Quoi ?

Je ne suis pas sûre de ce que j'ai entendu car sa voix était tellement lointaine...Je ne vois pratiquement plus rien et la voix d'Oli est à présent inaudible. Le vent me pousse si fort que je suis obligée de continuer le chemin malgré-moi. Malgré tout, sa phrase me boulverse.

-Oli ? Oli ? L'appelé-je.

Mais je suis trop loin à présent. De toute façon à cause de vent je ne peux plus reculer. Je continue mon chemin en courant car la tempête commence à devenir sérieusement menaçante.

Lorsque je sors de la forêt, elle se calme presque aussitôt. J'aperçois alors le lieu tant redouté.

J'avance d'un pas décidé même si le malaise en moi est toujours présent et est pire qu'avant. Même si je tente de l'ignorer, la voix d'Oli résonne dans ma tête, "cette voix te ment !" est-ce qu'il a vraiment dit ça ? Il y avait tellement de bruit que je ne suis pas sûre de l'avoir bien entendu.

Est-ce qu'il sait au moins de quoi je parlais ? Ou est-ce qu'il m'a dit ça simplement pour me persuader de faire demi-tour ?

Quoi qu'il en soit maintenant je suis là, et je vais pouvoir obtenir des réponses.

Je continue ma route en direction du foyer avec la ferme intention d'en finir une bonne fois pour toutes avec les ombres de mon passé.

Affranchie Tome 2 : Restaurée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant