Épilogue

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Les étoiles accrochaient la nuit comme si elles refusaient de disparaître. Les lampadaires de la ville crachaient leur lumière blafarde et vieille de plusieurs années. Dans l'habitacle du véhicule, une odeur de tabac flottait, agressif et rassurant à la fois, vieille habitude qu'Alice avait prise avec le temps. Elle actionna le clignotant et tourna à gauche, les mains prises de tremblements nerveux. Seigneur, pourquoi un magasin de vinyles se trouvait-il dans ces genres d'endroits ? Mais elle avait repoussé ce moment trop longtemps et l'anniversaire de son fils était ce soir. Rentrer les mains vides le rendrait triste, et c'était la dernière chose qu'elle souhaitait. Elle se gara sur une place vide quelconque et sortir de la voiture en regardant sa montre. Elle avait dix minutes. L'endroit était entouré de casinos délabrés, de bars aux odeurs d'enivrement, odeurs qu'Alice préférait à tout prix éviter. Aussi, elle entra rapidement dans le magasin, le bruit de ses talons résonnant des kilomètres à la ronde. Elle demanda un disque de Queen et se confondit d'excuses pour le vendeur qui s'apprêtait à fermer. Elle en ressortit satisfaite, prête à repartir chez elle pour y retrouver sa famille. Mais sous les étoiles éclatantes, un mouvement quelques mètres plus loin attira son attention.

Une silhouette était appuyée contre une vieille voiture, presque recroquevillée sur elle-même. Alice avança de quelques pas, les yeux plissés sous un regard suspicieux. Pourquoi cette personne, même de loin, semblait lui rappeler quelqu'un ? Elle s'approcha un peu plus jusqu'à ce qu'il n'y ait que quelques voitures séparant les deux individus. Ses talons la trahirent et ce qui semblait être un homme tourna la tête.

Et alors, Alice se sentit mourir, comme foudroyée par un éclair invisible.

Sasha.

Surprise, elle recula et manqua de tomber à la renverse. Impossible. Ce ne pouvait pas être lui, pas celui qu'elle avait connu plus jeune. Pourtant, tout dans son expression contredisait ses pensées. Ses boucles négligées qui tombaient sur son font étaient les siennes, son corps maigre restait le même malgré les seize ans passés. Sa mâchoire nue donnait à connaître son effort pour se raser, mais ses vêtements tâchés et déchirés par endroits paraissaient être ceux d'un clochard. Alice eut du mal à respirer et Sasha détourna la tête d'un air gêné. Lui non plus ne s'attendait pas à une telle rencontre.

-Salut, prononça-t-il d'une voix rauque et abîmée.

Il avait toujours les coudes appuyés contre la carrosserie du véhicule, et elle se demanda un instant s'il était à lui.

-Hey... répondit-elle, une fois légèrement remise de ses émotions. Qu'est-ce que tu fais ici ?

-C'est plutôt à moi de te poser la question, rétorqua-t-il sans se donner la peine de la fixer dans les yeux.

-C'est le seul magasin de vinyles du coin. Mon fils aime le vintage et c'est son anniversaire ce soir.

-Ton fils...

Il laissa échapper un petit rire et passa une main dans ses cheveux sales et emmêlés. Il paraissait si... brisé. Tel une carcasse vide qui sonnerait creuse si on avait le malheur de taper dessus. Une bouteille de bière était posée au sol. Cet élément répondit à une partie des questions qu'Alice était en train de se poser.

-Tu es mariée, donc ? demanda-t-il.

-Oui.

-Il a quel âge ?

-Onze ans...

-Tu l'as eu jeune.

-Je ne voyais pas la nécessité d'attendre plus longtemps.

Chute libre ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant