Duo nocturne

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Le fumée de son souffle s'éparpilla dans le ciel, à la recherche d'une étoile à envelopper. Alice aurait presque voulu qu'il pleuve. Le monde n'aurait pas vu ses larmes couler sur ses joues, et si quelqu'un lui aurait demandé, elle lui aurait dit que c'était la pluie. Le monde aurait été aveuglé, les gens seraient rentré chez eux et personne n'aurait vu son visage meurtri. Non, personne.

Mais ce soir, il ne pleuvait pas.

Son hurlement se noya dans le silence nocturne de la ville. Mais elle continua de courir. Courir pour fuir ses démons, courir pour laisser toute cette douleur derrière elle, pour se dégager de sa putain d'emprise.

Elle s'était enfuit par sa fenêtre. Heureusement qu'elle ne dormait qu'au premier étage. Quoique, elle aurait été capable de sauter du haut d'un immeuble pour pouvoir goûter à l'air frais. Le goût de la liberté. Le goût de la paix. Sa foulée augmenta. Le peu de personnes qu'elle croisait ne firent même pas attention à elle. De toute manière, personne ne faisait attention à elle.

Ses poumons la brûlèrent mais elle ne s'arrêta pas. Si elle pouvait atteindre l'autre bout du continent en une nuit, alors elle le ferait. Plus loin de sa maison elle se trouvait, mieux c'était.

Un peu plus loin, elle vit le chemin aboutir sur une propriété privée et n'eut d'autre choix que de bifurquer à gauche pour emprunter le passage piéton.

Elle ne fit pas attention au bonhomme rouge du feu, ni à la voiture qui arrivait à grande vitesse. Les battements de son cœur inondaient ses tympans, et son esprit se trouvait déjà loin d'elle, recroquevillé sur lui-même, meurtri, abîmé. Le phare ne l'alarma pas, ni le klaxon brisant la paix nocturne de la rue. Une emprise se referma autour de sa taille et la tira en arrière, lui coupant le souffle. Le sol s'effondra sous ses pieds et le bruit aigu du klaxon flotta encore quelques secondes après le léger dérapage de la voiture. Le monde tangua. Sa vue se flouta. Impossible de voir, impossible d'entendre. Impossible de réfléchir à ce qui venait de se passer.

-Hey ! Putain, relève-toi !

La même emprise s'enroula autour de son bras, la releva de force et la plaqua contre le grillage. Les poumons vides, Alice n'arrivait plus à respirer. Les larmes percèrent ses yeux et la panique s'empara d'elle. Elle sentit ses jambes s'écrouler de nouveau, mais l'emprise lui permit de rester sur pied.

-Calme-toi, respire. Tout va bien.

La voix lui était familière, mais ce n'était vraiment pas le moment de s'attarder sur ça. Sa gorge se débloqua enfin et l'air frais envahit sa poitrine de nouveau. Elle laissa échapper un souffle rauque et sa vue redevint net.

Ce fut comme si on venait de lui asséner une nouvelle gifle.

Sasha.

Elle se dégagea avec véhémence, le visage emplit d'effroi.

-En voilà une manière de remercier son sauveur, ria-t-il, amusé.

-Qu'est-ce que tu fous ici ?

Sa voix n'était que murmure, mais il entendit.

-Je faisais ma ronde nocturne, dit-il en haussant les épaules.

Elle aperçut sa bouteille de bière dans sa main et son cœur rebondit dans sa poitrine. Elle avait besoin d'alcool. Elle avait besoin de ne plus réfléchir sur ce qu'elle était, où elle allait, pourquoi elle existait. Elle avait besoin de faire le vide dans sa tête. Aussi, d'un mouvement calculé, elle lui prit la bouteille des mains et l'amena à ses lèvres. Ça faisait un putain de bien. Elle avait l'impression d'être réchauffée et de prendre une douche froide à la fois. La bière n'était pas énormément fournie en alcool, mais c'était déjà ça.

Chute libre ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant