Petite mise au point

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Alice sortit du hall le sourire aux lèvres. Elle n'avait plus à s'inquiéter du nombre de cigarettes qui lui restaient, et elle avait même été invitée à une soirée. Une soirée ! Ces genres de fête qu'il y a dans les films, là où la musique rend sourd et les verres d'alcool s'enchaînent, là où on se sent vivre et mourir à la fois, noyé dans une foule euphorique. Elle serait là dedans, elle, la plus sage et studieuse élève de sa classe. Alice devenait quelqu'un autre, et elle adorait cela.

Mais toute l'excitation ressentit disparut brusquement lorsque ses yeux se posèrent sur une silhouette familière. Sur deux silhouettes familières, même. La première était debout, ses longs cheveux blonds et lisses parsemées de mèches foncées tombant en cascade brut sur son dos. Elle riait. Un rire agréable à entendre, si fort en caractère et pourtant si innocent. La seconde la regardait presque amoureusement, des boucles tombées négligemment sur son front.

Alexandra et Mathéo.

Alice resta de marbre. Son cœur s'était arrêté de battre, comme si en quelques secondes la vie lui avait été reprise. Comme si la seule vue d'Alexandra la tuait profondément. Premièrement, elle fut en colère. Comment osait-elle rire lorsqu'elle se détruisait, par sa faute de plus est ! Comment pouvait-elle rire en sachant qu'elle avait abandonné sa plus proche amie ! Puis elle se souvint que c'était son unique faute si elle fumait et buvait à présent, parce que son image d'autrefois lui avait été insupportable et que le seul moyen de changer était celui-ci. Le seul moyen de l'oublier, aussi. Mais tout de même, Alexandra avait été la goutte faisant déborder le vase. Et elle lui en voulait.

Ce fut à cet instant qu'elle décida de tourner la tête. Ce fut à cet instant que son rire s'évanouit. Juste parce qu'elle était là. Mathéo aussi la fixa, d'abord troublé, puis presque honteux. Il baissa la tête. Alex n'en fit rien.

Alice s'avança vers eux, la haine animant seule ses jambes. Elle regrettait, oui, mais surtout elle lui en voulait plus que tout. Elle voulait lui cracher que tout était sa faute, pas la sienne, que c'était elle qui l'avait blessée, elle qui l'avait conduit à vouloir tout oublier. C'était sa faute si aujourd'hui elle changeait. Une petite voix, au fond d'elle, lui hurla « mais c'était toi qui voulait changer ! » mais elle l'ignora, parce que cette petite voix avait toujours été inutile.

-On est heureux à ce que je vois, cracha-t-elle en arrivant face à eux.

Le visage d'Alexandra s'était fermé et Alice eut l'impression de s'y cogner à plusieurs reprise. Mathéo détourna la tête, n'osant dire un mot.

-Salut, lança finalement la blonde d'une voix sèche.

-Salut ? Ria-t-elle, refusant d'y croire. Ça fait des jours que tu m'évites, des jours que tu ne me parles plus sans aucune raison, et la seule chose que tu trouves à me dire c'est « salut » ?

-Et qu'est-ce que tu veux que je te dise ?

Alice se sentit prête à lui sauter dessus pour l'écorcher vive. Comment osait-elle ?

-T'excuser peut-être ?

Elle fronça les sourcils, comme si la seule idée de s'excuser la répugnait.

-Le problème avec toi c'est que tu veux que tout le monde s'excuse pour ce qu'il n'a pas fait.

Un petit rire s'échappa des lèvres de la brune. Elle se moquait d'elle. Réellement. Elle avait l'impression de flotter sur un petit nuage, de se trouver dans un rêve où quoi qu'elle fasse, rien n'aurait de conséquences. Si elle la tuait, là maintenant ? Parce qu'elle en avait vraiment envie. La fumée de sa cigarette affluait déjà dans son sang et la rendait euphorique et irritée à la fois.

Chute libre ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant