Prune

Chapitre 4

4

Je ne me suis pas réveillée, comme les autres fois, dans un lit. Je suis assise, confortablement blottie entre des coussins, et il me semble être dans une pièce inconnue, un feu crépite, les lumières sont tamisées...

– Prune...tu es réveillée...on a eut peur.

La voix qui me parle est douce, j'ouvre les yeux, c'est une femme. Elle me sourit et me fait un clin d'œil en désignant du menton une masse sombre affalée sur l'accoudoir du fauteuil sur lequel je dormais.

– Et en particulier lui, il psychotait comme un fou. Un bruit de couloir raconte que tu es amoureuse, c'est vrai?

Je regarde cette femme, qui semble bien trop bavarde à mon goût, et l'interroge du regard. Mais qu'est ce qu'elle raconte?

– Oh, pardon, tu as sûrement oublié....hum, tu as fais une sorte de...comment dites-vous cela? Tu étais sous drogues. On pensait t'avoir « purifié » le sang, avec une petite saignée, mais malheureusement, la drogue à refait effet. Normalement c'est finit. Et lors de ce...trip, c'est cela, trip, tu racontais que tu voulais baiser Aaron...

Cette femme à une manière très singulière d'accentuer des mots. Elle semblait les mettre en suspend, comme si elle espérait qu'on ne puisse comprendre que ce qu'on voulait vraiment comprendre.

Mais ce qu'elle raconte n'a tout de même aucun sens. Que veut-elle dire par « trip », et le fait qu'elle m'aie « saignée »?

– Oh zut, j'en oublie les formalités, je me présente. Je m'appelle Ulis, mais je préfère qu'on m'appelle Ul'. Et juste avant que tu parles, non je ne suis pas une femme, je suis non-binaire. C'est compris? Ah, et je suis doyen, doyenne du manoir.

C'est quoi le manoir?

– Ça alors...ils ne mentaient pas, tu es bien muette. Mais, pardonne-moi, je suis incapable de comprendre ton langage. J'espère bientôt t'entendre parler, ça sera plus simple...

Pardon?

Comme elle venait de me dire qu'elle ne me comprenais pas j'ai appuyé mes propos d'un regard interrogateur très compréhensible. Elle venait vraiment de dire ce que j'avais entendu?

– Quoi? Oh la la, je ne comprend vraiment rien à tes signes, c'est pas grave.

Elle avait compris. Mais, pour une raison que j'ignore, elle a décidé de passer au dessus de mes interrogation.

Ce « manoir » est insupportable. Tout d'abord, on me kidnappe, on me torture, on me drogue, on me « saigne », puis, on me re-kidnappe, on me met dans une chambre, on m'explique que « c'est nous les gentils », je fais un bad trip, on me dis des truc incompréhensibles.

C'est quoi cet endroit? J'aimerai bien que, pour une fois, on me laisse en paix dans ma vie. Je voudrais simplement vivre tranquille, je voudrais être heureuse. Je voudrais qu'on me laisse être ce que je suis sans me bouleverser à chaque fois qu'on le veut. Je ne supporte plus qu'on me dise quoi faire, et que, sous prétexte que je ne parles pas on me trimbale partout. J'en ai assez, je veux vivre pour moi, je veux être celle qu'on m'interdisais d'être.

Je veux être moi.

Je veux être Prune.

Ou peu importe mon nom, je veux être sobrement vivante.

N'ai-je pas, comme tous les autre, ce droit? Ne suis-je pas comme tout les autres?

– Tu n'es pas comme les autres.

Je sursaute, qui a parlé? Je tourne la tête et ne vois personne à part Ul', qui somnole et Aaron toujours endormi.

– Je suis là, je suis désolé de t'avoir surprise.