Prologue ✔️

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4 Mars 1999

C'était une journée comme les autres. Ensoleillée. Quelconque. Un sourire rivé sur les lèvres, Ambre étira ses muscles endoloris. Elle venait de finir les corvées confiées par son père. Elle pouvait enfin profiter de son après-midi. Le village était en effervescence comme à son habitude. Chacun vaquait à ses occupations. Elle observa les villageois le cœur serré. Tout le monde se connaissait et s'appréciait. Enfin, presque. Mais étant tout juste majeure, un choix s'imposait à elle. Chaque personne passait par là, c'était la tradition. Le moment était venu de déterminer sa vocation.

Comme s'il parvenait à déchiffrer ses pensées, son père posa le regard sur elle. C'était l'un des meilleurs protecteurs d'Elyon. Son monde. Le devoir des protecteurs était de surveiller et de protéger la population. Il se tenait dans un coin reculé du village, visiblement en grande conversation avec plusieurs de ses collègues. Celle-ci semblait sérieuse puisqu'il avait un sourire en coin assez froid. Ce détail, aussi minime fut-il, démontrait qu'il peinait à rester impassible et qu'une colère sourde devait monter en lui. Ambre soupira levant les yeux au ciel. Ce n'était pas le chef pour rien. Il avait bien un caractère de cochon.

Elle ne prit pas la peine de l'informer de son départ. Après tout, elle avait besoin de s'éloigner du village, pour réfléchir tranquillement à son avenir. Puis, elle savait qu'il aurait tenté de l'empêcher d'aller à son lieu favori. Son petit paradis. Pour y parvenir, elle devait traverser dans un premier temps, la forêt, puis arrivait enfin dans une plaine de sable noir et chaud. La marche était longue mais devant la beauté de l'endroit, cela en valait la peine. Elle avait découvert ce trésor caché des années auparavant et en avait parlé à son père avec passion. Elle aurait tant voulu qu'il l'accompagne au moins une fois. Mais cela ne se produirait jamais, hélas. Lorsqu'il l'avait appris, il l'avait réprimandé. Il faut dire que personne ne devait s'aventurer seul dans la forêt et encore moins une enfant. La forêt était dense et lugubre, le danger pouvait surgir de tous les côtés sans que l'on puisse en réchapper. Il était de notoriété publique qu'il fallait rester sur le sentier car les menaces rodaient dans l'obscurité, tapit derrière n'importe quel arbre. Malgré sa remontrance, à partir de ce jour-là, son père la surnomma « sa petite imprudente ». À cause de son attitude d'aventurière intrépide, les jeunes de son âge l'ignoraient. Leurs parents craignaient qu'un jour elle mît ses amis en danger sans le vouloir. C'est ainsi que, perdue dans ses pensées, Ambre arriva enfin à destination et s'assit dans le sable noir avant de s'allonger, profitant du silence habituel qui l'entourait.

Elle ne sut combien de temps elle passa à ruminer ses réflexions. Elle ne parvenait tout bonnement pas à définir un choix de carrière. Elle savait que son père avait toujours eu une préférence pour elle. Son plus grand désir était qu'elle devienne guérisseuse. Même si une part d'elle voulait le rendre fier, elle doutait en être pleinement heureuse. Réaliser des recherches, soigner les malades, pouvait être attractif, elle n'allait pas le nier. Cependant elle rêvait d'actions. C'était peut-être la raison pour laquelle elle l'admirait tant et voulait elle-même être une protectrice comme lui. Le problème était que très peu de femmes le devenaient. Lorsqu'elle lui avait confié son désir, il en était devenu livide. C'était à ses yeux un métier trop dangereux. Il avait perdu bien des collègues lors de combats contre des créatures et ne souhaitait pas la même vie pour son unique enfant. Elle avait bien tenté de le lui faire comprendre en argumentant, mais parler à un sourd revenait au même. Rageant silencieusement, elle joua avec le sable en attrapant une poignée pour le laisser filer entre ses doigts. Ce contact la détendait. Il était si doux et chaud à la fois.

Certaines filles de son âge songeaient à devenir espionnes, elle y compris. Elle savait qu'elle en avait la capacité puisqu'elle pouvait changer son apparence au gré de ses envies. Un don qu'elle avait hérité naturellement puisqu'elle était une métamorphe. Seulement, pour réaliser les études, il fallait l'aval des parents, être majeure ou non, n'y changeait rien. Et son père était la pire tête de mule qu'elle connaisse. D'autres filles, n'aspiraient qu'à épouser un bon parti afin de rester sagement à la maison. Ambre n'était pas de celles qui restent les bras croisés à attendre le retour de leur époux. Faire la cuisine, le ménage et veiller aux enfants, très peu pour elle.

L'héritière perdue d'ElyonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant