XXII. Le pouvoir de l'information

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Hannah et son second étaient repassés depuis un moment à une allure plus calme. Ils voyageaient déjà depuis plusieurs heures, et tous deux furent extrêmement silencieux, trop perturbés par les évènements qui se profilaient pour engager une conversation joviale. Le silence était toutefois salvateur, il résonnait comme un moment répit entre deux batailles, comme un instant de vie en suspens pendant lequel rien de mal ne pouvait leur arriver. Ils étaient depuis un moment au cœur du mur Sina et lorsque que Syd vit sa supérieure bifurquer sur un sentier annexe en repassant au trot, il fut étonné. 

- Cheffe, on ne ne se rend pas à Mitras ?

La jeune femme se tourna vers lui pour lui offrir un petit sourire et l'inciter à la suivre. 

- Pour l'heure, tu vas avoir l'honneur d'être invité au domaine Ainsworth, railla-t-elle. 

En effet, alors qu'elle avait l'intention au départ de se rendre directement à la capitale pour y faire jouer ses relations, elle s'était dit qu'il pouvait être judicieux de demander l'aide de ses parents. Les relations et les soirées mondaines, c'était plus leur truc à eux et il était certain qu'ils auraient quelques tuyaux à leur refiler. Aussi, étant donné que l'après-midi ne faisait que commencer, elle avait changé leur itinéraire en court de route. Le convoi de Smith devait encore être loin. Ils n'avaient peut-être même pas passé l'enceinte du mur Sina. Les voyages étaient longs en carrosse, d'autant plus que la route de Trost à Ehrmich n'était pas vraiment la mieux entretenue. Voilà quelque chose qu'elle pourrait faire remonter à Dot pour de futurs travaux. 

- D'ailleurs Barrett, d'où viens-tu ? Du mur Rose n'est-ce pas ?

Hannah réalisait que depuis un mois qu'elle avait son second à ses côtés, elle ne le connaissait pas beaucoup personnellement. Bien sûr, ils avaient sympathisé et elle savait plein de choses sur lui, les sujets qui l'intéressaient, son plat préféré... des choses ordinaires. Son histoire en revanche, lui restait plutôt floue. Il n'avait lâché que quelques vagues indices lors de leurs conversations. 

- En fait, je suis originaire du mur Maria. J'avais quinze ans lorsque le mur est tombé. On habitait dans un petit village où mon père était cordonnier. Il l'est toujours d'ailleurs. Aujourd'hui ils vivent près du district de Chlorba, dans l'enceinte du mur Rose. J'ai voulu rejoindre l'armée pour éviter d'être une charge pour eux, l'exode a été difficile financièrement. Je ne voulais pas être une bouche de plus à nourrir. Et ainsi, ma rente de soldat me permet de les aider, à l'occasion.

Il faisait en effet parti des très nombreux réfugiés du mur Maria qui avaient dû se faire difficilement une place après la catastrophe de Shiganshina. Les habitants du mur Rose, bien que forcés de faire de la place, n'avaient pas forcément vu d'un bonne œil l'arrivée de ces milliers de personnes qui ne demandaient qu'à travailler pour un peu d'argent. La situation n'était pas vraiment meilleure aujourd'hui, et des discriminations persistaient à l'encontre des habitants de l'enceinte Maria. 

- Tu ne m'as jamais demandé de permission pour leur rendre visite. Tu ne dois pas hésiter, tu sais ? 

Il acquiesça. 

- Merci, Sergent. Mais ce n'est pas un problème, je n'ai jamais été si proche de mes parents. Comment sont les vôtres ? 

- Ho, rit-elle. Tu verras par toi-même. 

Une demi-heure plus tard, ils empruntaient le mince sentier qui pénétrait au cœur de la forêt pour rejoindre le domaine familial. Ses parents n'avaient jamais voulu vivre en ville, ils tenaient trop à leur calme provincial où ils étaient à l'abri du regard des autres. Aussi, ils n'auraient pu espérer vivre dans une si grande demeure en plein centre-ville. La taille fut d'ailleurs la première chose qui frappa le jeune homme lorsqu'ils passèrent les imposantes grilles pour arriver sur le parvis élégamment pavé au centre duquel trônait une large fontaine en marbre, tombant en cascade dans un bassin. Une végétation dense s'y développait, y laissant la vie suivre son cours. En se penchant au-dessus de l'eau, on pouvait observer des shubunkins onduler gracieusement sous la surface, traînant leur voile tricolore derrière eux. Des petites grenouilles venaient également trouver refuge sous les feuilles épaisses. Quant au manoir, il trônait magnifiquement face à eux, du lierre grimpant avait envahi une grande partie de la façade, offrant un charme plus rural que les demeures de Mitras. Plus sombre également, car le gris des pierres de façade contrastait avec le blanc éclatant que l'on trouvait généralement à la Capitale. Lorsqu'ils mirent pied à terre, ils furent accueillis par des serviteurs. Syd n'avait pas l'habitude de tout ça et ne savait pas comment se comporter. 

Ce qui ne nous tue pas - Livaï x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant