3 - Le couloir aux énigmes

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Le vestibule est vide. J'embrasse du regard la vaste salle au carrelage à damiers noirs et blancs, les murs aux tapisseries anciennes et le double escalier qui s'étend à une vingtaine de mètres de moi. Il n'y a pas l'ombre d'un garde. Et cette absence ne rend l'endroit que plus effrayant.

Un pas après l'autre, j'avance dans le hall. Ma main est posée sur mon poignard, prête à s'en saisir au moindre danger. Le tapis persan étouffe le bruit de ma marche jusqu'à ce que j'arrive au carrelage. Tous mes sens sont aux aguets tandis que j'avance prudemment. Un sifflement à ma droite m'invite à m'aplatir sur le sol. Juste à temps. Un immense tronc d'arbre lancé à pleine vitesse passe à un cheveu de ma tête.

Je me redresse avec attention, le regard rivé sur le mur qui vient d'avaler le balancier. Seul le bruissement de la tapisserie sur le mur témoigne de ce qui vient de se passer. C'est alors que je comprends dans quel bourbier je viens de mettre les pieds. Les dalles sont reliées à des pièges qui se déclenchent lorsqu'on marche dessus. J'affiche une grimace en voyant la distance qu'il me reste à parcourir. Je suis dans la merde.

Après une inspiration et une expiration profonde, je recommence à avancer, attentive au moindre mouvement qui signalerait le début d'un piège. Même si je n'ai pas cessé de m'entrainer, certains de mes réflexes sont un peu rouillés depuis que je ne suis plus exposé à un danger permanent, donc depuis mon départ du Pays Imaginaire. Et je dois avouer que cette constatation m'énerve. Après quarante ans à jouer avec Peter Pan et les garçons perdus, j'étais très douée et de tels pièges n'auraient pas dû me poser problème. Savoir que j'ai perdu mes capacités si durement gagnées me frustre au plus haut point. Je dois reconnaitre que c'est l'un des avantages qu'avait la vie sur l'île, j'étais préparée à toutes les éventualités.

J'esquive une volée de flèches d'un mouvement d'épaule, saute sur la dalle suivante avant de tomber dans le fossé qui s'ouvre sous mes pieds, roule sur le sol pour éviter un jet de flamme au niveau de ma tête et contre les couteaux lancés à pleine vitesse sur moi avec ma propre lame. Je commence à prendre le rythme. Je danse entre les lames géantes qui traversent la pièce, glisse sous une série de piques et enjambent les obstacles qui surgissent sur le sol.

C'est en un seul morceau que j'arrive au pied de l'escalier. Ma seule blessure provient d'une flèche qui a frôlée mon épaule. Même si l'exercice a été plus difficile que je ne le pensais, je trouve que je ne m'en sors pas si mal. Que dirait Peter s'il me voyait ? Je chasse immédiatement cette pensée de mon esprit. Il se moquerait sans aucun doute de moi pour avoir mis autant de temps à traverser et pour avoir perdu mes réflexes. Pourtant, alors que je commence à gravir prudemment les marches, je ne peux m'empêcher de songer qu'il a raison.

Je monte le haut escalier, tous mes sens en alertes, mais rien d'étrange ne se produit et j'atteins le premier étage sans encombre. Je suis tout de suite frappée par l'immense fresque qui s'étend sur le mur en face de moi. C'est une carte du ciel. L'étendue bleue nuit est ponctuée d'éclats d'argents qui représentent les étoiles. La forme des constellations est peinte en blanc et les méridiens sont dessinés en traits moins épais. Je reste bouche-bée devant la beauté de ce tableau.

Sans que je ne m'en rende compte, mon regard est irrésistiblement attiré par un astre en particulier. Quand je le trouve, mon cœur se met à battre plus vite. La deuxième étoile à droite. Combien de fois l'ai-je contemplée lorsque le sommeil me fuyait, au cœur de la nuit, après mon retour dans le monde sans magie ? Malgré toutes mes tentatives, je ne suis jamais parvenue à oublier les paysages du Pays Imaginaire. Les sensations que j'ai connues là-bas sont gravées dans ma peau. Les visages des garçons perdus s'imposent dans mon esprit. Mes amis... Mon cœur se serre dans ma poitrine. Même cet enfoiré de Peter Pan, je n'ai jamais pu l'oublier. Lorsqu'il n'est pas dans mes pensées, il vient me trouver dans mes rêves...

Sous les apparences (Peter Pan x reader)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant