La Famille

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La maison des Grace est immensément silencieuse en ce matin de mai. Les deux garçons, perché sur le trottoir observent la demeure, déterminé, mais apeuré à l'idée de rencontrer en vrai le père du garçon, poyr la simple et bonne raison que l'avertissement d'Hart Rhéadinni n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd et que Nico a partagé cette étrange découverte à Percy qui s'est bien entendu amusé à le répéter à Clarisse. Cette dernière s'est foutu d'eux et à prévenu Thalia pour se moquer avant d'être ramenée sur terre par la fille électrique qui a confirmé la crainte des garçons.

Ils ont tenté d'en parler à Jason mais le jeune homme est en silence radio depuis plusieurs jours, ignorant l'apnéiste au téléphone et ne venant tout bonnement plus au Lycée avec le noiraud. Face à ce silence constant et plus qu'inquiétant, y compris avec sa propre sœur, les cousins ont eu l'idée brillante d'agir.

Percy soupire en repensant à l'énorme vol qu'il vient de subir et surtout au mode avion qui l'a empêché de discuter avec sa... Euh la blondinette. Nico grogne et lui rétorque :

-On a plus important à faire que te laisser parler avec c'te fille.

-Laisse moi au moins lui dire que je suis bien arrivé, elle va me tuer sinon !

Nico agite sa sacoche et lui rétorque avec une neutralité terrifiante :

-Non. Tu lui parleras quand on aura réglé le problème "Jason". En attendant, fais gaffe je mords.

Ne perdant rien de son côté Drama Queen, Percy jette un regard outrageusement faux de dégoût et rétorque :

-T'es un monstre !

-Tu viens seulement de l'comprendre ?

Nico esquisse un sourire carnassier tandis que Percy rit un bon coup avant que tous deux retrouvent leur sérieux. Aucune voiture à l'horizon, le quartier semble désert, ils peuvent y aller.

Ils s'avancent dans la rue, arrivent vers le perron et remarquent immédiatement que les volets de la chambre de Jason sont encore fermés, ce qui ne ressemble vraiment pas au jeune homme. Même malade il laisse les volets ouverts, à cause de sa peur du noir.

Leur inquiétude ne s'en retrouve qu'augmenté et Nico sonne à la porte, regrettant de ne pas pouvoir l'enfoncer à cause du comportement que la mère pourrait adopter sous l'effet de l'alcool, face à une intrusion violente. Percy, en tant qu'aîné, se place un peu plus en avant que Nico lorsque la porte s'ouvre. Mais aucune défense n'est utile car il s'agit de Jason en personne qui leur ouvre, le teint pâle, les yeux tirés et cerné, un air presque maladif et surtout, le malheur le plus profond dans ses yeux. Voyant ses deux cousins, le jeune homme se sent perdre pieds, il a si mal...

Les surprenant, il se met à sangloter, s'accrochant à la porte, enfonçant ses ongles dans le bois, serrant les dents mais ne parvenant à retenir des petits cris de douleur. Il n'en fait pas plus à Percy pour prendre son cousin dans ses bras. Nico, mal à l'aise, l'imite plus timidement, ayant toujours du mal avec le contact physique.

Enlacé ainsi tous les trois, le jeune homme aurait dû se sentir mieux mais il ne peut pas. Il veut tout arrêter. Il veut vivre. Il veut partir. Il veut être heureux, mais est-ce que la vie est seulement d'accord avec cette idée ?

Nico se soustrait vite à l'étreinte et les fait rentrer avant de fermer la porte. Percy guide Jason jusqu'à sa chambre, ignorant les bouteilles de verre étalé sur le tapis et l'absence de la mère du garçon.

Nico fouille dans les placards dans l'espoir d'en tirer un reste de fast food qui ferait amplement l'affaire mais il ne trouve rien, pas la moindre trace de nourriture qu'il considère comme comestible.

-Putain Grace, va falloir m'expliquer comment tu fais pour être mieux taillé que Perce alors que tu bouffe des raviolis en boîte !

-Eh ! Di Angelo j'te permets pas ! Je suis extrêmement bien taillé !

-Rappelle moi qui on appelait le dieu romain ?

-Alors ça n'a rien à voir...

-Merci. Bon on va s'contenter de ça !

Il prend la boîte de ravioli et trace sa route vers la chambre de Jason en ignorant royalement l'air vexé de Percy.

Une fois installés, les trois cousins se complaisent quelques minutes dans un silence qui est heureusement brisé par Nico :

-Bon, crache ta pilule !

-Nico ! Le tact !

-Ferme là, t'aurais pas fait mieux !

-Pas faux.

Jason esquisse un sourire triste, mais le bonheur est incapable de transpercer le nuage de mal qui l'enveloppe. Percy soupire et dit :

-Mec... On partira pas tant que tu nous auras rien dit, on est là pour t'aider. Tu peux compter sur nous.

-On est ta famille, toujours là, pour le meilleur et le pire.

Il lève son regard vers Nico qui le regarde avec un sérieux inébranlable. Il pose ensuite son regard sur Percy qui affiche la même détermination. Il soupire et n'est pas difficile à convaincre car le pauvre en a vraiment beaucoup trop sur la patate.

Alors il leur raconte cette soirée. Cette nuit de folie, où il a bu plus que de raison, où il fuyait Arron l'adolescent turbulent et virulent qui lui sert de demi-frère et où fatalement retranché vers les toilettes, il a croisé les yeux polychromes de cette charmante demoiselle à la peau brune et aux cheveux parsemés de plume et coupé d'une façon étrange ce qui ne faisait que renforcer sa beauté hallucinante. Il en a eu le souffle coupé, il l'admet. Il est resté la bouche ouverte un moment avant de se reprendre et de se pousser pour la laisser passer, gênée elle a pourtant rit et elle lui a proposé de lui offrir à boire. Il a dit oui. Il était sois le charme. Ils ont bu, rit, parlé, ils ont passé la soirée entière ensemble et tout se passait très bien, se sentant pousser des ailes alors qu'elle remplaçait une de ses mèches brune derrière son oreille, il a voulu lui demander son numéro, mais il a entendu une nouveauté dans le brouhaha ambiant et il les a vite repéré, se frayant un chemin vers le bar, vers lui, ces saloperies de journalistes. Alors il a fait la seule chose sensée qui lui soit venu à l'esprit. Il s'est tourné vers elle et lui a dit :

-Dégage !

-Q... Quoi ?

-Va-t-en ! Casse toi !

Il a vu son visage se décomposer et il s'est accroché à son masque d'indifférence pour qu'elle ne voit pas à quel point il se sentait mal. Elle est donc partit et il a soupiré de soulagement. Les journalistes l'ont assaillit et le pauvre garçon après de nombreux échec a réussi à fuir cette maison. Il l'a vu au téléphone, attendant que quelqu'un vienne la chercher, mais il a tracé sa route en se retenant de se retourner et il a marché, sans s'arrêter, sans trouver la sortie de l'enfer.

Après son récit, les trois jeunes hommes demeurent silencieux sans personne pour le rompre. Un coup au cœur, une douleur atroce à l'estomac, le vide dans leurs yeux... Ils font bien peine à voir, ces trois garçons que la vie taquine bien cruellement.

-Tu as fait c'qu'il fallait... C'est c'que je me dis pour pas m'en vouloir...

Et oui, ils ne sont pas stupides, même Percy le sait. Il avait oublié pendant un temps, mais voilà ce qui les attends s'ils s'attachent à quelqu'un même pour un soir. Comment pourraient-ils infliger cela à quelqu'un ?

Doucement, Percy et Nico prennent place de part et d'autre de Jason. Côtes à côtes, comme ce soir-là, les trois cousin regardent le vide, partageant une boîte de ravioli et Jason lâche un petit rire. Ils sont venu le réconforter et c'est lui qui les a déprimé.

Et pourtant il ne s'est jamais sentit aussi bien depuis un moment. Avec eux dans son sillage, il a parfois l'impression qu'il pourrait encaisser n'importe quoi. C'est ça la famille, non ?

les enfants des Trois GrandsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant