Jalousie

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La musique que crache les baffles est assourdissante. Un air de techno bien chaotique fait vibrer mes oreilles et chaque coup de basse résonne dans ma cage thoracique. Je plisse les yeux face à l'arc-en-ciel de néons qui balayent l'immense salle de spectacle de l'Université, la nimbant de faisceaux tous plus criards les uns que les autres. Ok, en plus de devenir sourde, je vais devenir aveugle... Je maugrée pour moi-même et lance un "hey !" agacé à un couple de danseurs survoltés qui me bouscule sans vergogne. Évidemment, ils ne m'entendent pas, trop concentrés sur leurs mouvements aléatoires et désaccordés. Danser sur de la techno s'avère compliqué, ce n'est pas vraiment mon répertoire de musique... j'assimile plutôt ça à du bruit, mais enfin, je ne vais pas me morfondre toute la soirée. Après tout, c'est moi qui ai accepté de venir et de jouer le jeu, histoire de me sociabiliser un peu... et de prouver à mon vampire arrogant et dominateur que je peux survivre sans lui pendant quelques heures. 

Je me mords la lèvre. En vrai, c'est dur de me sentir loin de lui ne serait-ce qu'une minute. Je fais bonne figure (du moins j'essaye) et me mêle sans grande conviction au troupeau d'élèves qui sautent, hurlent, tapent des pieds en cadence. 

Je sens soudain deux mains enserrer ma taille avec fermeté. Je me raidis immédiatement et un sentiment curieux m'envahit. Quand je me tourne vers celui qui m'a agrippée avec autant de familiarité, j'ai l'inconcevable espoir qu'il s'agisse de Drogo... mais il n'en est rien. C'est un étudiant aux joues rouges (clairement imbibé) et au regard humide qui me toise avec convoitise. 
Soit, il est plutôt mignon. Grand, pas trop musclé, des cheveux bruns mi-longs qui s'élèvent avec grâce dans les airs quand il secoue sa tête au même rythme que la musique. Il se penche vers moi et me murmure un truc incompréhensible à l'oreille. Je me renfrogne, comprenant que ce n'est qu'un stratagème de sa part pour amener sa bouche près de mon visage. Je me détourne, dégoûtée. Les mecs pensent-ils tous que les filles sont aussi faciles à berner ? Je ne sais pas pour les autres mais en ce qui me concerne, c'est non. 

Je joue des coudes pour m'extraire de sa proximité mais je suis coincée dans la foule en délire, et mon corps se colle davantage à l'importun. Bien sûr, ce dernier prend ce mouvement comme une invitation. Ses mains aventureuses vont et viennent sur mes hanches, glissant vers mes fesses. Incapable de me retenir plus longtemps, je lui fait face et lui décoche une gifle bien sentie. Lorsque ses yeux reviennent sur moi, il a le regard furieux. Je n'attends pas qu'il déverse sa hargne et me faufile tant bien que mal au travers des danseurs, rejoignant mon salut : le coin buffet. 

J'ai transpiré, je me sens collante et vidée de mon énergie et ma main droite me fait un mal de chien. Super, comme tentative de sociabilisation ! Je grommelle entre mes dents serrées et attrape un petit four au saumon fumé, qui me déride un peu par sa saveur délicieuse. Je balade mon regard désabusé sur la salle, cherchant au hasard des visages connus. Je distingue Sarah, celle qui m'a convaincue de venir ce soir, et sa petite amie, Dorothy. Les deux jeunes femmes s'en donnent à cœur joie sur la piste de danse, éclipsant tous les amateurs désarticulés par leurs mouvements habiles et gracieux. Je souris en pensant qu'elles se sont décidément bien trouvées, ces deux là ! Un petit pic vient accueillir cette pensée positive et je me surprends à dévier vers un corps à la peau diaphane et glacée. Non Nina, on a dit pas ce soir ! C'est sans compter sur mon esprit qui ne cesse de me rappeler la fièvre de nos instants passés ensemble, à Drogo et moi.

Je m'assène une claque mentale du même acabit que la gifle précédente et me concentre sur l'assemblée pleine de vie devant moi. Tout le monde s'enivre, mange, discute, danse, se cajole... vit, en gros, ce qui me change énormément de l'ambiance plutôt morne du manoir de mes employeurs. J'appartiens à ce monde, moi aussi. Pourtant je ne m'y sens plus trop à ma place ces derniers temps. Le surnaturel a pris l'ascendant sur toutes les choses de mon quotidien, ça en devient parfois étouffant. Mais je n'échangerai cette "vie" pour rien au monde, et surtout pas celui qui s'évertue constamment à la compliquer. Je soupire et un léger sourire orne mes lèvres. Drogo a raison : je ne peux pas me passer de lui. 

Drogo & Nina (Is It Love? Drogo)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant