1-Capture

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« Bien qu'il ait brisé le Cristal une fois de plus, Ashkore a enfin été appréhendé par la Garde d'Eel et capturé. Ce dernier s'est révélé être le frère présumé mort de Valkyon : Lance. Un véritable choc ... »

La surprise nous rendait muets, tous autant que nous étions. Les questions se bousculaient sous mon crâne, sans pour autant prendre une forme intelligible qui me permettrait de les prononcer à voix haute. Trop d'éléments étaient flous, je me sentais perdue au milieu de tous ces visages hébétés. Passé le choc d'une telle découverte, c'est l'incompréhension qui nous gagna : pourquoi une telle colère, un tel déluge de haine envers notre garde, notre monde ? Pourquoi commettre de pareils actes ? Et dans quel but ? Je tentais vainement de trouver une réponse à ces questions quand Miiko reprit la parole :

« Nevra, Leiftan, Ezarel, Valkyon, nous devons aller en salle du Cristal pour ... parler de tout ça. » 

Ce dernier cilla, comme sorti d'une transe avant d'emboiter le pas à ses camarades. En sortant, elle s'adressa à moi :

« Nehemia, désolée de te mettre à part, mais nous devons régler cette situation et ...

- Ne t'en fais pas, je comprends, c'est une situation difficile à gérer. »

Elle eut l'air soulagé que je ne m'oppose pas à sa décision et me remercia d'un signe de tête avant de suivre les garçons dans l'escalier, me laissant seule avec Jamon qui se tenait à l'écart et le prisonnier inconscient pour toute compagnie. J'allais également quitter la prison quand un mouvement derrière les barreaux attira mon attention. Je m'approchai doucement de la cage, et m'agenouillai, m'attendant à revoir un même mouvement mais ... rien. Le traître était toujours inconscient, le visage bien à découvert, son armure couverte de sang, comme il en avait tant versé auparavant.

« Mais plus maintenant, pensais-je. Maintenant il ne ferait plus jamais de mal. Nous ne le laisserions plus faire. Plus jamais il ne détruira de vie. Plus jamais. »

J'avais du mal à maîtriser ma haine. Il avait causé tant de mal, fait de bien des existences un enfer, que sans la lointaine présence de Jamon, j'aurais pu passer mes nerfs sur son corps meutri.

J'étais décidée à sortir de cette pièce avant de commettre un acte que je pourrais regretter et commençai à me redresser pour partir quand quelque chose sur son visage changea : il n'avait plus l'air aussi apathique qu'un instant plus tôt, il était comme ... agité d'émotions contraires. Ses sourcils se fronçaient, ses lèvres tremblaient comme s'il tentait de murmurer quelque chose mais je n'entendais aucun son qui sortait de sa bouche.

Alors, aussi soudainement qu'il s'était agité, il redevint aussi calme qu'avant. Ce fut à ce moment qu'il ouvrit faiblement les yeux.

Son regard de glace prit au piège le mien, je ne pouvais m'en détacher, je ne parvenais qu'à me plonger dans l'océan gelé de ses yeux, au risque de m'y noyer. Mais en place et lieu de la violente tempête que je m'attendais à voir s'agiter sous ses paupières, je ne vis que de la douleur, fulgurante, comme un gouffre insondable où je me tenais au bord, observant des ténèbres qui me firent frissonner. Puis tout disparu, l'océan, le gouffre et les ténèbres : il avait refermé les yeux, de nouveau inconscient.

Cet échange n'avait duré qu'un instant, si bref que j'ai cru l'avoir rêvé. Je secouai la tête et regardai vers Jamon pour voir s'il avait vu ce qu'il s'était passé mais il semblait absorbé par le nettoyage de son arme.

« Que s'est-il passé ? pensais-je en clignant plusieurs fois des yeux. »

Ne voulant pas m'attarder plus longtemps et tenter d'oublier ce qu'il venait d'arriver, je jetai un dernier coup d'œil au prisonnier qui n'avait bougé d'un millimètre puis grimpai les escaliers qui conduisaient à l'extérieur presque en courant.

J'ai vraiment besoin d'air pour remettre en place tout ce qui venait d'arriver ces dernières heures.

Aversion (Lance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant