7-Flash back (partie 1)

325 24 7
                                    

La nuit était calme. Les vagues s'écrasaient doucement sur la plage de sable fin, répétant le même geste, la même routine, inlassablement. Avancer. Repartir. Comme le parfait écho de ma respiration. Inspirer. Expirer. Jusqu'à retrouver un calme absolu au milieu d'un silence apaisant.

Silence qui vola en éclat quand mon voisin, que j'avais momentanément oublié, me demanda :

« Comment es-tu arrivée dans ce monde ? »

Sa question me prit de cours. Je me tournai vers lui, interloquée cherchant à déceler une intention masquée, mais il n'affichait rien d'autre qu'une réelle curiosité. Il me regardait, imperturbable attendant que je formule une réponse, mais je ne pus m'empêcher d'ironiser :

« Question étonnante pour un être étonnant, lui servis-je pour toute réponse, un sourire au coin des lèvres.

- Je suis étonnant désormais ? Ou est passé le traître ? me relança-t-il, un éclat de malice dans les yeux. »

Une fois la surprise passée, j'étais bien décidée à rentrer dans son jeu :

« Il cherche la bagarre Krokmou ?

- Krokmou ? m'interrogea-t-il en haussant un sourcil. »

Je lui expliquai qui était ce dragon de dessin animé et retins un éclat de rire face à sa tête offusquée :

« Tu m'as vraiment appelé par le nom d'une créature qui amuse les enfants de ton monde ?! »

Ce fut la phrase de trop : j'éclatai de rire sous son regard indigné qui dissimulait mal son sourire. Il attendit patiemment que je finisse par me calmer avant de reprendre la parole d'une voix grave :

« Tu n'as pas répondu à ma question ... me demanda-t-il à nouveau.

- Oh ... eh bien ... »

J'inspirai profondément me remémorant ce jour qui me semblait si lointain à présent, mais qui, si la douleur avait diminué, restait fortement teinté d'amertume.

« Je ne me souviens même plus pourquoi j'étais sortie de chez moi exactement, mais j'avais besoin d'air, commençai-je fiévreusement. Je crois ... je crois que je m'étais disputée avec quelqu'un. Un ami de mon école. Je ... l'aimais beaucoup, mais je n'étais pas la seule et surtout pas celle qu'il côtoyait le plus. Cela me rendait plutôt ... irritable. Je n'arrive pas à me souvenir de la raison de notre dispute. Cela me semble si futile aujourd'hui. Tout ça pour dire que j'étais sortie m'aérer l'esprit dans le bois proche de chez moi, je marchais sans savoir où j'allais et j'ai fini par atteindre une clairière que je n'avais jamais vue avant. Et au milieu de cette clairière ... il y avait un cercle de sorcières. Je n'ai pu m'empêcher d'y pénétrer et c'est ainsi que je suis arrivée dans ce monde. »

D'abord réticente, les mots coulaient hors de moi à présent, comme une source intarissable. Je lui racontai tout, absolument tout : l'emprisonnement dont il m'avait fait sortir, le rejet de tous du fait de mon humanité puis leur soudaine amitié quand j'ai été désignée Elue de l'Oracle, la potion d'oubli, les mensonges, les humiliations. Et la peur. Terrible, omniprésente, qui animait mes journées. La solitude aussi, écrasante.

Durant tout mon monologue, il se taisait, je le voyais m'écouter avec une attention que je n'avais pas connue depuis bien longtemps. Ce constat me fit un bien fou : j'avais enfin l'impression d'être entendue, d'avoir trouvé à qui parler.

« Voilà, tu sais tout à présent, terminai-je, soudainement à court de mots. »

Alors que le silence s'installait de nouveau, le dragon fit la dernière chose que je m'entendais de sa part. Il prit la parole à voix basse, comme si sortir ces mots lui demandait un effort important – ce qui était sûrement vrai :

Aversion (Lance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant