13-Libres

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La tête lourde, un bruit sourd frappant à intervalles réguliers contre ma tempe, j'ouvris faiblement les yeux pour découvrir où je me trouvais. Le métal froid des barreaux de ma cellule me ramena brutalement à mes premiers instants sur Eldarya, à l'époque où personne ne m'écoutait, ne me considérait, où je n'étais ... rien. Ce souvenir me paraissait plus douloureux qu'il n'aurait dû l'être.

Alors que mes yeux s'accoutumaient à la pénombre de la prison, je distinguai une silhouette argentée à quelques mètres de moi qui se tenait debout, bien droite de l'autre côté des barreaux. Orllea.

Je me relevai avec difficultés avant de me camper face à elle, bien décidée à la forcer à m'écouter.

« Où est-il ? demandai-je d'une voix dure, en ancrant solidement mon regard au sien. »

Elle ne cilla même pas avant de répondre sur le même ton :

« Au-dessus de nous. Ils l'interrogent. »

Je laissai échapper un rire froid.

« Non, ils ne l'interrogent pas, il est en train de jouer avec leurs nerfs.

- Il devrait faire attention, réplica-t-elle sarcastiquement, à jouer avec le feu on finit par se brûler les doigts. »

Nous continuâmes à nous mesurer du regard, avant d'échapper un soupir résigné.

« Bon, arrêtons ce petit jeu. Nous n'avons jamais été capables de nous mentir. »

Elle hocha la tête en signe d'assentiment et se détendit imperceptiblement. Je repris donc, la voix plus douce qu'un instant plus tôt :

« Cette attaque est nécessaire, Orllea, pour nous comme pour les habitants de ce QG.

- Va dire ça aux innocents qui se seraient trouvés face à vous.

- Nous n'aurions pas fait de victimes innocentes, j'aurais pu te le jurer. Je pourrais encore te le jurer. Mais est-ce vrai pour vous ? Combien d'innocents la Garde a été tués ? Je vois bien que tu ne me crois pas, que tu me penses seulement aveuglée. »

Elle demeurait silencieuse, mes mots n'arrivaient pas à l'atteindre, elle refusait de les entendre..

« Orllea, tu me connais, continuais-je en suppliant presque face à son absence de réaction, tu sais que je ne ferais souffrir personne inutilement.

- Je le connais lui, me répondit-elle enfin. Je sais ce qu'il est capable de faire, son pouvoir de persuasion corrompt tout et tout le monde. »

Sa voix se brisa légèrement quand elle reprit :

« Il a réussi à rallier Leiftan, Nehemia. A cause de lui, celui qui était comme mon frère, celui avec qui j'ai été élevée, a trahi les siens, a quitté sa famille et son foyer. La seule famille que je n'ai jamais eue ... termina-t-elle à mi-voix en baissant les yeux. »

Face à cette déclaration, je ne sus d'abord que répondre. Je savais ce qu'il représentait pour elle. Mais à mes yeux, elle comptait plus encore. Mon seul rempart, mon garde-fou dans ce monde de solitude. Le murmure à mon oreille qui m'avait rappelé qu'un futur était possible. Que j'y avais ma place. Et le droit de le vouloir. Que j'avais encore des choix à faire et des années à vivre.

Et plus que tout, je voulais qu'elle en fasse partie.

« Ne suis-je pas aussi ta famille ? murmurai-je doucement. »

Elle releva brusquement la tête, les yeux brillants, mais n'eut pas le loisir de me répondre car un bruit de pas nous parvint de l'entrée de la prison. Dans un même mouvement, nous tournâmes la tête pour voir Lance entrer, les poings liés, d'horribles coupures sur le visage et les bras. Il était tellement amoché qu'il ne pouvait avancer sans être soutenu par les gardes, qui le jetèrent dans la cellule voisine à la mienne où il roula sur le côté. Aussitôt, je me précipitai vers lui, oubliant notre discussion avec Orllea. Le front appuyé contre les barreaux, tendant une main vers la silhouette du dragon qui tentait péniblement de se relever, j'entendis tout de même Orllea demander, entre confusion et incompréhension :

Aversion (Lance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant