La couleur des regrets

Chapitre 8

Pluie de merde.

Nathanael n'avait quitté la boutique et sa propriétaire que depuis quelques minutes mais l'eau s'abattant sur lui arrivait déjà à se glisser dans ses chaussures, apportant beaucoup trop rapidement cette sensation désagréable de pieds collants.

Définitivement achevé par ce temps qui arrivait comme la goutte faisant déborder le vase, Nathanael jura avant de poser son sac par terre. Regrettant déjà à moitié la décision qu'il venait de prendre, le jeune homme enleva ses chaussures, puis ses chaussettes avant de reprendre ses affaires et de marcher, pieds nus, vers son studio. Quitte à être trempé, autant ne pas être dérangé par d'écœurantes chaussettes

De toute façon, presque personne n'avait le courage d'affronter la pluie. Le peu de gens relevant le défi courraient, le visage caché par un parapluie pour les chanceux, de simples mains pour d'autres. La seule personne qui ne semblait pas se soucier de la précipitation était un garçon, d'une quinzaine d'années tout au plus, qui semblait profiter du mauvais temps pour exprimer ses vrais sentiments.

Quelle idée de croire que l'eau de pluie pouvait cacher les larmes.

Ce n'était peut-être pas le moment de débattre sur le sujet. Nathanael avait encore beaucoup de travail avec cette toile destinée à l'exposition de l'école, et s'il avait encore un mois pour la terminer, aucun répit n'était toléré. Peu importe où son œuvre sera placée dans le bâtiment, cela ne changera en rien sa motivation. Si sa toile doit être placée à côté des toilettes, alors ce sera l'occasion de rendre les urinoirs incontournables.

Et pour être incontournable, sa peinture le sera, il en était sûr.

Toujours pieds nus et ne portant pas assez d'attention à son environnement, le jeune homme marcha sur un bout de verre. Se mordant la langue pour ne pas crier et de la même manière attirer l'attention des trois ou quatre passants toujours en train de dévaler les rues, Nathanael s'arrêta quelques secondes, vérifiant qu'au moins le morceau de verre s'était détaché de la plante de son pied. Heureusement, c'était le cas. Ne perdant pas une seconde, l'étudiant reprit sa route, faisant cette fois-ci plus attention aux débris jonchant le sol mais ignorant la légère trace de sang qu'il déposait derrière lui. Il n'y avait qu'à espérer que la blessure ne s'infecte pas.

En quelques minutes, il faisait face à l'entrée de l'immeuble. Ignorant les regards surpris des autres habitants qui ne pouvaient s'empêcher de fixer les pieds trempés du jeune homme, Nathanael se dirigea vers les escaliers et grimpa les trois étages qui le séparaient de son studio avant de sortir ses clés et de déverrouiller sa porte. Au moment où celle-ci s'ouvrit, Nathanael hurla, jetant de toutes ses forces son trousseau de clés sur la personne. Cette dernière, sagement, restait assise sur le lit du l'étudiant, esquivant paresseusement le projectile comme si elle en avait l'habitude. Dans un bruit assourdissant, l'ensemble de petits objets métalliques s'éclata contre le mur, provoquant une rayure heureusement presque invisible à l'œil nu.

« Qu'est-ce que tu fabriques ici ? C'est chez moi ! » S'énerva-t-il tandis qu'il balança sa veste trempée par la pluie sur l'intrue qui, un gigantesque sourire aux lèvres, se leva pour lui offrir un léger baiser sur la joue.

« Je t'ai acheté des fleurs, regarde comme elles sont belles ! Ce sont des pétunias, et dans le langage des fleurs ça veut dire à la fois "je suis en colère contre toi" et "je veux que tu m'expliques la raison de ta colère". N'est-ce pas incroyable ? » S'exclama-t-elle en tendant le bouquet à son ami. Plus qu'agacé, Nathanael l'attrapa puis le jeta dans la poubelle

« Tu n'as rien à faire ici. Bonne soirée. Si tu essaies à nouveau d'entrer chez moi sans mon autorisation, j'appellerais la police. » Répondit Nathanael d'un ton ferme qui ne laissait place à aucune négociation.