Chapitre 9

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« D'accord. Donc si je résume, Samuel est mort, l'enterrement aura lieu dans une semaine. Tu n'as plus de téléphone, tu t'es blessé à la tempe à force de trébucher plusieurs fois dans la forêt mais maintenant ça va mieux. Tu en es sûr ? Est-ce que tu as passé des examens pour vérifier ? » Demanda Léo, jetant un œil inquiet à la zone suturée cachée par les cheveux du jeune homme. Léo avait beau se trouver en compagnie de ses deux amis d'enfance depuis près d'une demi-heure, il n'avait pas une seule fois eu l'occasion d'observer la pierre noire ornant la bague que Nat avait attendu pendant des années. En effet, ce dernier, plongé dans ce qui semblait être un mélange de terreur, de souffrance et de regrets, conservait le précieux bijou à l'intérieur d'une de ses paumes, refermant ses mains tellement fortement autour de lui que ses articulations en devenaient blanches.

De ses yeux rougis par le chagrin et gonflés par la fatigue, le garçon fixa Léo, dont les larmes remontèrent à la simple vue de l'état pitoyable de son ami.

« Oui, les médecins m'ont forcé. Apparemment, j'avais le visage couvert de sang, enfin personnellement j'ai l'impression que ça allait... Ce n'est pas comme si j'étais tombé d'un pont de toute façon. »

« Promets-moi d'aller aux urgences si tu ressens le moindre malaise, si jamais ta tête te fait mal ou si tu devais saigner à nouveau, compris ? Je sais que ta santé n'est pas ce qui te préoccupes dans l'immédiat, mais je m'inquiète pour toi, je ne veux pas que ton état empire. Même toi, tu regretterais ta nonchalance si ton état devait s'aggraver. » Insista le garçon au cheveux blancs, qui connaissait Nat beaucoup trop bien pour oublier que le jeune homme avait la manie de délaisser sa santé pour un tout et pour un rien. S'il ne faisait pas assez attention...

« Si ta blessure s'aggrave ou si tu as des complications et que tu ne préviens personne, je cherche ma valise et je vivrai sous ton bureau pour le restant de tes jours. » Déclara Liz d'un ton tout sauf plaisantin, contrairement à ce qu'aurait pu faire croire la promesse qu'elle venait de formuler. Si la déclaration de la jeune fille provoqua un léger sourire chez Léo, l'autre garçon eut un geste de recul, presque imperceptible, qui communiquait manifestement une anxiété à l'idée que cette menace puisse se réaliser.

Mais aucune autre réponse ne fut entendue de sa part. Plutôt, il décida de diriger à nouveau son attention vers cette bague, sa bague, qu'il avait impatiemment attendu, à laquelle il avait associé un bonheur inégalable, et qui aujourd'hui n'était plus que le reflet du drame dont il était lui-même la cause.

Le jeune homme avait encore besoin de se retrouver seul avec pour unique compagnie sa conscience. Peut-être arriverait-elle à lui faire déculpabiliser un petit peu, ou du moins lui permettre de se concentrer sur sa propre vie qui, contrairement à ce qu'il s'imaginait, était loin d'être terminée. Léo hésitait à s'en aller. Il ne pouvait pas, et surtout il ne voulait pas avoir cette sensation d'abandonner son ami le plus précieux à un sort bien terrible, celui de devoir sortir de ses propres ténèbres. Après avoir jeté un coup d'œil à la jeune femme se trouvant à côté de lui, Léo remarqua qu'il n'était pas le seul tiraillé entre ce qui était le mieux pour Nat et ce que leur cœur les poussait à faire.

Après avoir accumulé le courage suffisant, Léo caressa le dos de Liz, qui comprit le message instantanément. En synchronie avec son ami, elle s'échappa du lit, récupérant lentement ses affaires sans lâcher Nat du regard, se sentant coupable d'être partie si tôt la veille. Avant de rejoindre Léo, qui l'attendait près de la porte, Liz se dirigea furtivement vers le garçon déchiré avant de l'embrasser sur la joue, lui chuchotant quelques mots rassurants qu'elle lui avait sûrement déjà répété une dizaine de fois depuis qu'elle avait appris la nouvelle.

Attrapant la poignée de la porte en bois les séparant du reste du monde, Liz jeta un œil à Léo qui, pas une seule seconde, avait lâché Nathanael du regard.

La couleur des regretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant