37. Sombres preuves

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Ce que nous voyons nous glace le sang. Je me laisse tomber sur une chaise, Agathe reste debout, appuyée sur la table, le teint pâle. 

- C'est pas vrai... Et dire que c'est notre professeur de danse. Il a un sérieux problème...

- Il y a d'autres choses en dessous. Laisse-moi vérifier.

Je renverse la boîte sur la table et tout son contenu s'y déverse. Je trie les différentes pièces à conviction et les dispose de manière à faire plusieurs tas. Le premier, tout à gauche, contient ce que nous avons vu en premier et qui nous a bouleversées. Des photos de nous, de Marco et de toutes les autres danseuses de notre classe, ainsi que de Madame Mérante et de divers professeurs de danse. Au dos des photos, des notes ont été prises. On peut y lire notre date de naissance, notre taille, notre adresse et d'autres informations personnelles obtenues on ne sait comment. Par exemple, sur la mienne, il est inscrit mon nom d'"Epine de la Reine". Comment Hansen a-t-il mis la main là-dessus ? C'est vraiment terrifiant. Qui sait ce qu'il sait d'autre sur nous ? Agathe attrape la sienne et la retourne. Elle pousse un long soupir avant de commencer à pleurer.

- Hé... Qu'est-ce qu'il se passe ? 

- Je... Eh bien...

- Assieds-toi Agathe. Dis-moi. 

Elle se pose à côté de moi et reprend son souffle. La photo tourne entre ses mains, face à ses yeux qui retiennent ses larmes.

- Quand j'étais bébé, j'étais anorexique. Je refusais de manger, de téter, c'était impossible de me faire avaler quoi que ce soit. J'avais même du mal à boire de l'eau.

- Je ne savais pas que les bébés pouvaient être anorexiques. 

- Si, ils peuvent. J'ai fini par guérir, grâce à la pédopsychanalyse. Mais la maladie est revenue il y a quelques années, quand ma mère m'a demandé si je voulais danser à l'Opéra. Je faisais déjà de la danse depuis mes quatre ou cinq ans, mais quand j'ai eu onze ans, j'ai connu le désir d'aller plus loin. Je m'entraînais un peu plus, pour me préparer au grand jour. J'allais à de plus en plus de galas et je voyais des danseuses toujours plus minces, toujours plus belles. Je... J'ai commencé à avoir peur que l'Opéra ne veuille pas de moi. A cause de mon physique. J'étais beaucoup plus ronde à l'époque, pas vraiment grosse mais je subissais quand même quelques moqueries et regards. Je ne pouvais plus manger. J'étais terrifiée à l'idée de prendre du poids et de ne plus pouvoir rentrer dans mon justaucorps. Ma mère voulait que j'arrête la danse, mais je refusais de laisser derrière moi toutes ces années de travail et d'acharnement. Alors j'ai continué, tout en me détruisant la santé, jusqu'à être tout de même acceptée...

- Mais alors... Le jour de l'audition...

- Je suppose que j'étais allée un peu trop loin... 

- Mais alors, c'est quoi le rapport avec la photo ?

Elle se mord les lèvres, ses yeux s'embuent de larmes à nouveau. Qu'est-ce qui peut être encore plus horrible que tout ce qu'elle a vécu jusque là ? Se sentir affreuse jusqu'à punir son corps, parce que les autres nous ont montré qu'on était affreuse à leurs yeux, c'est tout simplement terrible. Nous avons tous des corps différents, et au final on ne fait que les louer pour une certaine période de temps. Il n'y a que notre âme qui perdure à travers les siècles et notre corps est de passage. On ne devrait pas lui accorder autant d'attention négative. 

Agathe s'essuie les yeux et me tend la photo. En rouge est écrit le mot "TRICHEUSE".

- Pourquoi "tricheuse" ? 

Impossible II (Fanfiction Black Butler) **TERMINEE**Où les histoires vivent. Découvrez maintenant