Chapitre 10.

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Les coudes sur la table, Morrigan regardait alternativement Valea et sa mère, qui se toisaient du regard comme deux chats prêts à se sauter dessus. Si la Garde des Ombres avait eu conscience de qui se cachait derrière le vieux visage de Flémeth, sans doute aurait-elle mesuré son attitude de défi. Encore que, songea la jeune sorcière, cette fille possédait assez de détachement pour  faire fi de ce genre de choses.

«-Comprenez que sans ces documents, notre légitimité est nulle. Rien ne prouve que nous sommes Gardes des Ombres.

-Cela se voit et ferait d’ailleurs mieux de ne pas être trop évident. Vous me semblez tout à fait capable de persuader quiconque de vous suivre dans votre lutte contre l’Enclin.

-Votre sollicitude me touche, Flémeth, mais je me passerai de vos conseils cette fois. Regardez-nous, de quoi avons-nous l’air ? Qui suivrait deux épaves pareilles ?

-Voilà un jugement bien dur à votre encontre, ma fille. Mais soit, allez-y. Retournez braver l’Engeance à Ostagar, coulez-vous comme des serpents au cœur de leur armée pour de pauvres traités jaunis. Vous avoir sauvé la vie était décidément une peine bien inutile.

-Jamais nous ne pourrons vous remercier assez de ce que vous avez fait pour nous, Flémeth. Mais il faut que vous compreniez la position dans laquelle nous sommes. Alistair, tu as le droit de m’aider, tu sais.

-Valea a raison. Non pas que nous ne soyons pas conscients des risques, mais nous ne pouvons nous passer de la légitimité que nous donnent les traités. Cela va faire maintenant quatre jours. Pour ce que je sais de l’Engeance, elle ne s’occupe guère de sécuriser ses arrières.

-Surtout si l’armée de Férelden a été détruite. Ils n’ont aucune base arrière à assurer. Ils doivent déjà être en train de se répandre dans le sud. Ostagar est le cadet de leurs soucis. Si jamais nous découvrons que la zone est inaccessible, et bien ma foi, nous laisserons les traités où ils sont, et nous compterons sur notre charme naturel pour convaincre nos alliés potentiels. J’ai bon espoir que cela fonctionne, mon chien peut être très mignon quand il veut.

-Si les traités existent toujours… » Intervint Morrigan sur un ton rêveur.

Trois têtes se tournèrent vers elle. Satisfaite de son petit effet, elle se calla contre le dossier de sa chaise et reprit :

«-Il faut espérer que les documents n’aient pas été détruits. Ce Duncan les avait mis dans un coffre ? Il a peut être été pillé, son contenu répandu au sol. Sa tente a peut être brûlé…

-Nous ne le saurons qu’en allant là-bas, trancha Valea, avec un semblant d’humeur. Nous partirons demain matin. Nous vous remercions pour votre hospitalité, Flémeth. Pour tout.

-C’est inutile, fit la vieille femme. J’ai fait ce que je devais. »

Bien qu’elle sentit la frustration de sa mère, Morrigan crut, à sa grande surprise, que les Gardes des Ombres avaient emporté la partie. Le silence de Flémeth l’aurait presque confortée dans cette idée s’il ne l’avait inquiétée.

Elle attendit la contre-attaque, mais leurs hôtes eurent le temps de se retirer dans le grenier sans que la sorcière ne tente rien.

Perplexe, Morrigan finit par sortir de la chaumière, comme à son habitude.

Flémeth apparut sur le seuil peu de temps après. Sa fille se contenta de se tasser un peu plus à l’endroit où elle était assise, dans une tentative enfantine de passer inaperçue. Ce qui agitait sa mère, quoi que se fut, lui soufflait littéralement au visage.

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