Nouvelle - Jour Eclipse

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    Nous nageons, nous enfonçant dans l'eau claire. La lumière est vive, m'aveuglant encore plus sous l'eau. Aellai fait d'étranges mouvements avec ses membres, imitant les grenouilles que nous étudions en cours avec les Baleines. Elle est vraiment ridicule !

   Nous explorons la mer aux alentours de le terre, mais aucune trace d'Oamh. Il a disparu, et rien ne laisse supposer qu'il est encore dans les parages. Aellai remonte à la surface et je la suis.

- C'est ici que je t'ai trouvé, lance-t-elle en reprenant son souffle alors que seuls mes yeux dépassent des flots.

- Aucun signe de lui, soupire-je en sortant cette fois complètement la tête de l'eau. La seule chance pour qu'il soit encore en vie est qu'il ait été retrouvé par les Guides...

- Les Guides ? C'est quoi ? Je connais pas de poisson avec ce nom...

- Ce sont des voyageurs qui parcourent les océans, explique-je, las et commençant sérieusement à m'impatienter. Tous les quatre ans, ils remontent à la surface pour rencontrer des humains de votre espèce et garder des liens avec eux. Oamh m'a forcé à l'accompagner en secret, il voulait tellement en savoir plus sur les humains ! Et voilà où nous en sommes...

- Attend, rencontrer des humains ? Est-ce que ce serait un homme âgé, petit, avec de longs cheveux blancs que tes Guides retrouvent ?

- Aucune idée ! Comment veux tu que je le... Pourquoi tu demandes ça en fait ?

- Tous les quatre ans, le 29 février - lors des années bissextiles -, notre sage disparaît une journée entière, du soir au matin du jour encore suivant. Personne ne sait où il va. C'est pour ça que... que je t'ai trouvé, avoue Aellai. Je le suivais pour savoir ce qu'il fait ce jour-là, mais j'ai perdu sa trace pour te repêcher...

- Oh...

   Après notre périple motivé par ce même désir, je me rends bien compte qu'Aellai a perdu une chance incroyable de découvrir le secret du sage pour me sauver.

- Désolé, je m'excuse à contrecœur. Pourrais-tu m'amener où tu l'as vu pour la dernière fois ? Tu pourras arrêter de m'aider, après...

- Et perdre le scoop du siècle ? Jamais ! Je veux voir tes Guides !

   Je souris. Ce n'est pas comme ça que je me débarrasserai d'elle !

    Nous plongeons une nouvelle fois. L'humaine nage assez rapidement finalement, bien qu'elle fasse d'étranges mouvements et qu'elle ne soit évidemment pas aussi rapide que nous Atlantes.

- Je l'ai vu disparaître ici, dans sa barque, m'informe celle-ci une fois sa tête sortie de l'eau.

    Nous sommes près d'une île surmontée d'une montagne, et elle semble comme posée sur l'eau. Je cherche dans ma mémoire, mais je ne me souviens absolument pas de cet endroit. D'un commun accord, Aellai et moi recommençons à chercher autour de l'île. D'après elle, Demetrius - le sage de son village - n'a pas pu accoster à cause des rochers.

    Nous faisons le tour de l'île, mais aucune plage ne laisse la place à une barque de s'y poser. Alors que je commence à désespérer, Aellai arrive en nageant vers moi, un sourire aux lèvres. Avec de grands gestes, elle m'indique de la suivre : je m'exécute.

    Elle m'amène près d'une grotte creusée à même les rochers, et remonte à la surface.

- J'ai commencé à y aller, mais il fait noir comme dans un four là-dedans. En plus, je ne pense pas pouvoir retenir ma respiration assez longtemps. Mais toi, tu pourrais, Atlante que tu es !

   J'acquiesce, reprenant espoir. D'un gracieux geste, je retourne sous l'eau chaude et nage jusqu'au gouffre, où je me faufile.

     Mes yeux mettent du temps à se réhabituer à l'obscurité, mais je peux enfin voir sans que mes yeux ne brûlent. Le passage est étroit, juste assez large pour que je puisse passer. J'arrive dans un bassin éclairé par l'astre scintillant, m'indiquant que je ne suis plus sous l'île. Les algues sont nombreuses, et je ne peux voir autour de moi les limites du lac ; je découvre alors être à l'intérieur de l'île, au milieu de la montagne, lorsque je sors de l'eau.

    Je retourne au fond du bassin. Il faut que je trouve un autre passage, je suis sûr que c'est l'endroit où se retrouvent Guides et humain.

- Ao ?

   Je me retourne, ne voulant croire à cette voix que j'ai pourtant reconnue.

- Ao !

   Oamh me sert contre lui, et, après hésitation, je lui rends son étreinte.

- Où étais-tu ? J'ai eu si peur que tu aies disparu ! Je n'ai pas dit aux Guides que tu étais avec moi, je voulais prendre seul la responsabilité, mais j'avais peur que tu ne t'en sois pas sorti. Je me suis réveillé il y a seulement une heure, et te voilà qui apparaît... C'est le destin qui me dit de ne plus jamais me séparer de toi. Ao, pourquoi je t'ai emmené ? J'aurais dû t'écouter, toi qui a toujours raison ! A cause de moi, tu...

- Oamh.

   Mon ami lève la tête vers moi, ses larmes rendant l'eau alentour salée.

- T'inquiète pas, je suis vivant.

    Oamh éclate de rire, toujours en pleurs.

- Tu sais bien consoler, toi ! Encore heureux que tu sois vivant. Je savais que tu t'en sortirais !

- A vrai dire, c'est une humaine qui m'a sauvé, avoue-je, gêné.

- Vraiment ? Génial ! Je veux la rencontrer ! Elle est comment ?

- Aussi insupportable que toi !

   Oamh rit à nouveau. Ça me réchauffe le cœur. Moi aussi, j'ai eu peur.

- Elle est toujours près d'ici ? Demande Oamh.

- Oui... Elle aussi voulait en savoir plus sur cette rencontre qu'elle ne savait même pas exister.

- Reste avec elle, alors. Les Guides repartent ce soir, quand la lune – un astre moins lumineux que celui présent la journée – sera levée. Rejoins nous discrètement près de l'entrée du bassin, et suis nous comme à l'aller. Je ne veux pas que tu sois puni par ma faute !

- Toute une journée à attendre ? Je ne peux pas rester avec toi ?

- Ils viennent souvent vérifier si je vais bien. Tu te feras repérer ! Et puis, je veux un résumé précis de toutes les coutumes humaines.

- C'est donc ça...

- Évidemment, tu me connais ! Maintenant, pars !

   Oamh me pousse jusqu'au tunnel. Avant de partir, nous nous serrons une deuxième fois dans nos bras, étonnés de ces contacts d'habitude peu courants, et nous promettons d'un regard de nous rejoindre dès la lune apparue dans ce ciel si bleu.

   C'est avec regret que je quitte mon camarade que je viens juste de retrouver.