ouverture : the final show

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C'est la fin de l'été, un après-midi de septembre, l'église est pleine.

Je suis assise sur le banc au deuxième rang, à côté de Mathilde, ma meilleure amie, et de trois garçons, des connaissances. Des potes d'Oliver, qui étaient à la soirée de l'autre jour.

Jamais je n'aurai cru les revoir dans un tel moment, et dans un tel endroit.

Nicolas, le petit frère d'Oliver, finit son discours face à cette église bondée. C'est un beau garçon, un petit homme de dix-huit ans, qui se tient droit, courageux et fort. Il a les mêmes yeux que son grand-frère, les mêmes beaux yeux bleus. Mais ceux de Nicolas sont noyés par la peine. Il a le même courage qu'Oliver, ce courage qui lui gonfle le torse, qui le fait se tenir bien droit, face à la vague de douleur qui s'abat sur lui.

Nicolas finit son discours, je sais que c'est à moi. C'est mon tour, et la boule logée dans mon estomac prend encore un peu plus de place. Mathilde sert fort ma main, avant de la lâcher pour me laisser m'avancer vers le chœur.

Chaque pas que je fais fait grossir la boule dans mon ventre, et augmente ma douleur.

J'atteins le pupitre, et me tiens face à tous ces gens. J'en connais la plupart, mais là je ne les vois plus comme avant. Ils sont transformés, par la peine et la douleur. Celle des au-revoir.

Je pose les yeux sur le pupitre, sur les lignes que j'ai écrites, et prends une inspiration. Ma bouche s'entrouvre, mais aucun son ne parvient à sortir, à la place des larmes perlent au coin de mes yeux, brouillant ma vue. Je sais alors que je vais passer le deuxième pire moment de ma vie : dire au revoir à mon meilleur-ami après l'avoir vu mourir.

« Oliver. Oliver je suis tellement désolée. Je suis tellement désolée que... Que tout se soit arrêté. Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Je sais que si tu étais là, tu me dirais que je dois penser à moi. A nous, nous les autres, nous les vivants.

Et jamais je n'aurai imaginé que l'on m'enlève mon... Mon bras droit, mon confident, mon grand frère.

J'ai tellement mal Oliver. Que nous reste-t-il quand on nous enlève la moitié de notre raison de vivre ? Que reste-t-il Oliver, après toi ?

Oh Oli, remonte quinze ans en arrière, retraverse tous nos souvenirs. Tout ce que l'on a vécu tous les trois. Toi, Math, et moi... Remonte, regarde nos trois petites têtes d'enfants, avec nos doigts couverts de feutre, écoutes nos rires s'envoler dans les étoiles, celle que adolescents nous nous amusions à compter.

Mes larmes continuent de couler, les souvenirs avec toi se dessinent devant mes yeux. Je me souviendrai Oliver, je te le promets, je me souviendrai de tout ce qui faisait qui tu étais, le garçon formidable que tu étais. Je me souviendrai toute ma vie à quel point tu étais généreux, à quel point tu étais un homme respectueux et intelligent. Tu étais passionné, fidèle à ceux que tu aimais, et à tes principes. Ceux que tu aimais... Tu aimais tellement fort Oliver, tellement fort...

Tu vivais tout à fond, toujours. Qu'est-ce que tu aimais la vie, danser, rire, chanter, voir du monde... Je me souviens de tous nos moments de vie, de ces trajets en voiture à hurler sur nos chansons préférées, de toutes ces fois où l'on s'est moqués de Mathilde quand elle avait trop bu, les week-end chez nos parents, les premières nuits qu'on a passées dans ton appartement tous les trois... »

Les souvenirs affluent dans ma tête, comme le soir où j'ai dû les écrire. Tout me revient. Et le fracas. Aucun mot ne sort plus de ma bouche, et quelques secondes plus tard je m'en rends compte. Le silence, les sanglots emplissent l'église. Mon cœur est vide, ma tête est pleine, et je ne vois que lui. Des larmes brulantes coulent le long de mes joues. Je lève la tête et reprends, décidant d'improviser la suite.

« Oli, je me souviens de tout. Chaque détail. Le gout du vin qu'on buvait en riant dans ta cuisine, de la couleur exacte de tes yeux, la façon dont tu contractais ta mâchoire quand tu étais contrarié, le ton que tu prenais quand tu te moquais de ton petit frère.

Je sais que cette soirée, ta dernière soirée a été un bon moment pour toi. Je le sais... Parce que tu disais toujours que tu passais un bon moment avec tes potes, une bière, et le son de nos discussions. J'ai mal Oli mais je ne pouvais pas te souhaiter une meilleure fin... Parce que tu n'as pas souffert. Pars Oliver. Sois tranquille.

Je vais m'en sortir, on s'en sortira pour toi, et grâce à toi. Je vivrai aussi fort que tu l'as fait mon frère. Je te garderai à mes côtés, entre nous, Mathilde et moi.

Je vivrai pour nous deux, deux fois plus fort, deux fois plus grand. Je prends ta force, je te donne mon amour, cet infini amour que je te porte.

Pars tranquille, je garde avec moi ton courage et tout ce que tu m'as appris, toutes les leçons que tu m'as données. Je veillerai sur les tiens, je m'occuperai de tout le monde comme tu le faisais si bien.

Ce que tu laisses derrière toi Oliver ? La vie, le plus beau et impitoyable des cadeaux. Il restera ceux qui vivent.

Au revoir, Oliver. »

Ceux qui viventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant