Mes parents nous ramènent à la maison. Mathilde écrit à son frère dans la voiture. Ses yeux sont humides mais elle ne pleure pas.
Moi je pleure en regardant le paysage défiler. Je regarde les étoiles dehors. Elles sont toujours aussi lumineuses, toujours aussi nombreuses. Ce soir une nouvelle se rajoute parmi elles.
J'ai l'impression d'être totalement vide. Mon jean est abîmé aux genoux je m'en rends compte, et mes genoux sont écorchés. Pourtant je ne sens pas la douleur. Mon monde s'est écroulé, c'est déjà assez.
Mon père conduit, il ne dit rien. Ma mère, elle, se retourne régulièrement pour nous prendre la main où nous dire que ça va aller, que nous serons bientôt à la maison. Elle aussi a beaucoup pleuré surtout quand les parents d'Oliver sont arrivés.
Les parents d'Oli, ceux de Mathilde et les miens ont toujours été proches depuis que nous le sommes, et sont devenus grâce à nous de véritables amis. Mes parents ont toujours considéré mes deux meilleurs amis comme leurs enfants, quant à moi ils sont le frère et la sœur que je n'ai pas eus. Papa a pleuré quand il a su qu'Oliver était parti. C'est rare, que papa pleure.
Ma mère a eu du mal à se contenir à nouveau dans la voiture. Quand à mon père je ne sais pas trop, je n'ai pas regardé.
Quand nous arrivons, je vais à la cuisine accompagnée de mon père. Il me fait assoir et me dit qu'il va nous servir un verre d'eau chacune. Je vois bien qu'ils ne savent pas exactement quoi faire, bien qu'avant de partir ils aient discuté avec les pompiers quelques minutes, sûrement pour savoir quoi faire avec nous.
Math est partie à la salle de bain. Je ne sais pas si je dois la rejoindre ou non. Elle et moi avons eu des réactions particulièrement différentes. Mathilde n'accepte pas, elle ne croit pas, je vois qu'elle se contient. Elle est choquée, comme figée, perdue dans elle-même.
Elle est seule, ses parents sont partis à l'étranger pour un moment voir des amis et elle n'a pas réussi à les joindre encore. Elle est seule attendant son frère qui habite à une centaine de kilomètres d'ici : il ne sera pas là avant demain.
Je suis sous le choc, assise sur cette chaise de la cuisine, sur laquelle je me suis assise des milliers de fois avant. Mais j'ai l'impression que rien n'est pareil. Et c'est le cas.
C'est le cas : ces chaises ne seront plus jamais les même, la maison de mes parents non plus. Le goût des cocktails changera, celui des cigarette nocturne, des kebabs de sortie de bar. Les visages, les odeurs, les sentiments. La façon dont les étoiles brilleront à présent. Rien ne sera jamais plus pareil.
J'ai essayé de boire, mais ça ne passait pas. J'ai arrêté de pleurer, un peu. Mes yeux sont gonflés.
Je suis devant la salle de bain, mon poing suspendu, prêt à frapper à la porte. J'entends alors Mathilde qui demande d'une petite voix :
-Lisa ?
-Je peux venir ? Je lui réponds.
-Viens.
J'ouvre délicatement la porte de la salle de bain. Dedans il fait chaud, ça sent un peu la pharmacie et le savon. Math est assise sur le bord de la baignoire, son téléphone entre les mains. Elle lève les yeux vers moi, ils sont rouges et gonflés.
-J'peux pas Lisa... C'est pas possible putain... Murmure-t-elle, la voix serrée par la peine.
Je viens me glisser dans ses bras, et ne peux retenir mes larmes.
Nous passons une nuit blanche dans le salon, avec mes parents. Ils sont restés avec nous, ils ont écouté notre silence, ont décodés nos regards. J'ai serré contre mon cœur la seule chose qu'il me restait de lui : sa veste, je l'ai serré tout au long de la nuit comme si elle aussi pouvait tout d'un coup disparaître.
Je l'ai vu tomber toute la nuit. La scène a tourné sans cesse en boucle dans ma tête, devant mes yeux, comme un filtre sur le moment présent. J'entends encore le fracas, j'entends encore cette musique et je sais que plus jamais je ne supporterais de l'entendre. Était-ce une coïncidence si cette chanson-là était Heaven d'Avicii ?
Je veux juste que tout ça ne soit qu'un cauchemar.

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Ceux qui vivent
Teen FictionRien n'est plus puissant que la liberté, l'espoir et la force de vivre de ces gamins de 20 ans. Un soir, alors qu'ils vont passer la soirée chez un ami pour danser, boire, se sentir exister, Elisabeth perd brutalement son meilleur ami, Oliver. Elle...