Mes yeux se rouvrent sur le même visage sur lesquels ils se sont fermés : celui de l'ambulancière. Elle caresse doucement mon visage et quand elle voit que je reprends conscience, son visage change d'expression, elle se détend. Elle a un air de maman, rassurant, chaleureux.
Alors que je reviens un peu à moi, aux côtés de Mathilde, la dame me demande :
-Comment vous vous sentez Elisabeth ?
Tout me revient d'un coup, tous les souvenirs de ce soir. Mathilde retient ses larmes, j'entends les pompiers et ambulanciers à côté de moi. Mais ils ne s'agitent pas comme je l'imaginais. Ils ne courent pas. Je tente de me redresser, j'ai besoin de voir Oliver, de voir qu'ils le sauvent, mais je suis trop faible. Ma tête reçoit comme un coup fantôme, ce qui me recouche presque instantanément.
-Elisabeth, calmez-vous, doucement. Je m'appelle Carole, je suis là pour vous aider. Est-ce que vous m'entendez ?
-Je... Je veux voir... Oliver. Oli je... Je balbutie dans mes larmes.
- Ça va aller, calmez-vous. On va boire un peu d'eau et...
-Math ? Mathilde, dis-moi qu'il va mieux, s'il te plaît... Je lui demande en sanglotant.
Mais quand je tourne la tête vers elle, et que je vois deux grandes traces de larmes qui divisent chacune de ses joues, son regard est planté quelques mètre plus loin, sur le corps d'Oliver, je sais bien. Je sais.
Alors je me redresse doucement cette fois-ci, aidée de l'ambulancière, et tourne la tête vers lui. Les urgentistes et les pompiers sont autour de lui, mais ils ne s'agitent pas. Les quelques visages que je peux voir sont fermés, sérieux. Un pompier revient avec un grand drap blanc, qu'il pose sur le corps d'Oliver. Oli disparait sous ce linceul, et je plaque ma main sur ma bouche, étouffant un cri de douleur qui ne demande qu'à sortir.
La dame avec nous se décale, cachant ce macabre spectacle. Je ferme les yeux, j'entends Mathilde pleurer et alors qu'elle était jusqu'ici accroupie, elle s'assied au sol. Je n'arrive plus à respirer, j'ai du mal à comprendre ce qui se passe autour de moi. Je sais que c'est fini. Ma vie est finie ce soir.
Carole l'ambulancière, m'aide à me lever : une étape assez douloureuse pour moi, mes genoux me font souffrir. Elle nous fait évacuer la cour emplie de pompiers et de policiers qui viennent d'arriver. Nous retrouvons les autres invités dans la rue quand nous sortons avec Roman, Mathilde, l'ambulancière et deux personnes qui étaient restées pour aider.
L'ambiance est indescriptible. Beaucoup pleurent, le choc se lit sur chacun des visages. Certains sont assis avec des pompiers près des camions, avec des policiers, d'autres se réconfortent entre eux. Et moi, j'ai l'impression d'être totalement perdue, complètement seule, au milieu de cette mer d'étudiants en larmes.
Math se tient à moi, et moi à elle.
Je refuse de la lâcher, alors l'une cramponnée à l'autre, nous nous écartons un peu du groupe comme Carole nous l'a proposé, et j'appelle mes parents.
Je ne peux pas rentrer toute seule, Mathilde non plus, et comme elle nous l'avait dit plus tôt, en effet elle ne peut pas conduire.
Le coup de téléphone est une des épreuves les plus compliquées : quand j'arrive à me calmer quelques minutes pour sortir mon téléphone, ma crise reprend de plus belle quand ça sonne. J'explose en sanglot quand ma mère décroche, je tente de parler, de lui dire un truc mais rien d'autre ne sort que des sanglots. Aussitôt elle s'inquiète, et je n'arrive pas à me calmer.
L'ambulancière prend gentiment le relais et explique tout ce qui vient de se passer à ma mère, calmement, méthodiquement. Mes parents arrivent environ un quart d'heure plus tard.
Le premier réflexe de ma mère a été de nous prendre dans ses bras, Mathilde et moi. Elle nous a pris dans ses bras comme quand j'étais toute petite, et nous a serrés très fort. Cette image de moi enfant m'est revenue : fragile, toute petite, seule, effrayée. Seule.
Math ne dit rien. Elle pleure juste, en silence.
Quelques pompiers sortent, ils nous annoncent le verdict final. Le couperet tombe enfin, ma vie s'écroule.
Oliver est décédé, le douze septembre 2020, à vingt-trois heures trente-neuf.

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Ceux qui vivent
Teen FictionRien n'est plus puissant que la liberté, l'espoir et la force de vivre de ces gamins de 20 ans. Un soir, alors qu'ils vont passer la soirée chez un ami pour danser, boire, se sentir exister, Elisabeth perd brutalement son meilleur ami, Oliver. Elle...