Partie 5

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Les jours suivants, nous continuions de sillonner le département, en agrémentant nos vacances de quelques visites de châteaux, de grottes et de caves dont la région regorgeait. 

La veille de notre départ, au moment de ranger nos affaires, j'avais envie de retourner voir ce cahier. J'avais retourné l'histoire dans ma tête, d'autant plus que nous avions discuté un cours instant avec notre hôte en fin d'après midi. Je n'avais pas osé lui demander directement s'il avait connaissance du récit que j'avais lu. Sans avoir l'air, je lui avais soutiré quelques informations personnelles. Il était veuf depuis quelques années déjà, il avait passé une bonne partie de sa vie en ville et était revenu à Montaillon à la retraite. Il avait hérité cette ferme de ses parents, elle avait longtemps été inhabitée et il en avait retapé une bonne partie. 

Je me demandais alors qui avait pu déposer ce cahier dans la bibliothèque : sa femme, ses parents ou une autre personne de la famille ?

Pour me racheter, j'avais finalement décidé de retourner cacher le manuscrit au milieu de la pile, pour ne pas qu'il tombe dans les mains de n'importe qui. Au fond, je n'étais sûrement pas la seule locataire à fouiller la bibliothèque abandonnée de notre hôte.

En retrouvant le cahier là où je l'avais déposé, je pensais que personne ne l'avait consulté entre temps. Je n'étais sûre de rien, j'avais toujours déposé les livres en soirée. Par acquis de conscience, je regardai à nouveau dans la pile. Une enveloppe dépassait. Je l'ouvrai et découvrit quelques feuillets photocopiés. Je reconnus immédiatement l'écriture de la jeune fille sur ces papiers fragiles. Sauf un, écrit par une main beaucoup plus tremblante.

Fébrile, je repris l'intégralité du manuscrit avec moi pour l'emmener dans le gîte, et avec également l'idée de prendre quelques clichés du tout avec mon appareil photo au cas où le temps me manquerait pour tout consulter avant notre départ. Je fis part de ma nouvelle trouvaille à mon mari. Il me demanda comment j'avais convaincu notre hôte de lui livrer son secret. Je ne lui répondis pas, car je n'étais pas encore sur de savoir qui me livrerait le fin mot de l'histoire, du livre ou de l'homme, si fin il y avait. Ce soir là, évidemment, je me remis à la lecture du manuscrit quitte à me coucher très tard pour se lever tôt le lendemain. Il semblait manquer quelques pages entre le passage du cahier où la lecture avait été interrompu et cette suite.

Arrivés à quelques centaines de mètres du village, Victor me demanda, hésitant tout à coup si je connaissais Mme Mercier.

— Yvette Mercier vous voulez-dire ? C'est ma seconde mère, me suis-je écriée, notre voisine ! Vous la connaissez ? Je vous conduis à sa maison si vous le souhaitez.


Victor ne réagit pas et m'avoua qu'il ne souhaitait pas forcément la rencontrer ce soir. Il me demanda même de ne pas lui révéler qu'il m'avait interrogée à son sujet. Mais il prit de ses nouvelles, pour savoir comment elle allait, comment elle vivait. Je ne savais pas pourquoi il s'adressait à moi pour ces questions, et surtout quelle était la nature de ses relations avec Yvette, cette dernière n'avait pas eu de commentaire plus  avisé que les autres à l'encontre de l'inconnu ces derniers jours. Mais peut-être ne l'avait-elle tout simplement pas croisé, elle se déplaçait de plus en plus péniblement ces derniers temps.

— Petite, tu m'as l'air digne de confiance. Je suis revenu dans votre village car j'ai sur le cœur un secret qui me pèse depuis des années. Et je ne sais pas comment l'annoncer aux intéressés, et surtout à Yvette Mercier. J'ai bien pensé à lui écrire, mais je n'en ai jamais trouvé le courage. Si tu la connais bien, peut-être pourras tu trouver la manière de lui expliquer ce que je vais te raconter.  

Les yeux de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant