Chapitre 5-1 - Beibhinn

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Le nez à la fenêtre, j'attends avec impatience Ryan et les enfants. On dirait une vieille commère de quartier qui guette son voisin, dans l'espoir de le surprendre faire une bêtise, afin de lui rendre la vie impossible. D'après son dernier message, ils devraient arriver d'un moment à l'autre. Lorsque sa voiture se gare devant chez moi, je suis tellement impatiente de retrouver mes bébés – qui ne le sont plus depuis un moment – que j'ouvre la porte d'entrée à la volée, la faisant claquer contre le mur. Kieran et les jumelles sortent du véhicule en jetant un œil à leur nouvel environnement. D'un pas rapide, je m'approche d'eux et les serre fort dans mes bras. Je hume leur parfum à m'en donner le tournis et mon cœur s'emplit de joie d'enfin les retrouver. Ryan nous rejoint, les bagages en mains, et me fait un sourire timide. Il est vrai qu'à cet instant je ne sais plus vraiment comment je dois me comporter avec lui. Se prendre dans les bras me paraît soudainement quelque chose de beaucoup trop intime, quant à lui serrer la main, bien trop formel. Personne n'a encore écrit de manuel "Comment agir face à son ex mari avec qui on n'a jamais eu autant d'orgasmes qu'avec un inconnu". Je cache mon malaise naissant et lui adresse un sourire en retour avant de reporter mon attention sur les enfants.

— Vous avez passé de belles vacances ?

— Oui ! C'était super, s'exclame Aylin. On a été chez grand-mère. On a visité l'Abbaye de Kylemore avec une copine de papa, c'était génial !

J'observe Ryan qui grimace devant l'aveu de notre fille. Mon ventre se serre alors que je devrais me moquer qu'il voit d'autres femmes maintenant que nous sommes divorcés. Mais, si tôt ? Devant son regard fuyant et un silence pesant qui s'installe entre nous, je me redresse et leur propose de visiter la maison d'une voix faussement enjouée.

Kieran, Aylin et Ciara courent aussitôt vers les escaliers menant aux chambres. Alors que je me mets à leur emboîter le pas, Ryan dépose sa main sur mon avant-bras, je me tourne vers lui et l'interroge du regard.

— Je... Tu... Enfin, c'est juste une connaissance d'école primaire. Elle était chez ses parents pour les vacances, et...

— Mais tu fais ce que tu veux, Ryan ! je le coupe sèchement.

Voilà que même divorcés, nous arrivons à nous prendre la tête. Mais cela ne devrait plus rien me faire. Ryan est bel homme et a toujours attiré les femmes comme des mouches sur un ruban de papier collant, alors maintenant qu'il est libre comme l'air, j'imagine qu'il n'a plus que l'embarras du choix. Puis, je me sens hypocrite de lui parler ainsi. C'est moi qui ai demandé le divorce, moi qui suis partie vivre à deux heures de route, moi encore qui ai joui toute une nuit avec un autre que lui.

— Désolée, je n'aurais pas dû te parler ainsi. Juste, ne présente pas aux enfants toutes tes nouvelles conquêtes, j'aimerais qu'on les préserve.

— Mais tu me prends pour qui Bei ?! commence-t-il à s'énerver.

Un cri venant de l'étage nous interrompt, fort heureusement.

— Maman ! Papa !

Nous nous dirigeons dans un silence de mort vers la voix surexcitée de Ciara. Lorsque nous arrivons sur le pas de la porte de sa chambre, elle saute dans tous les sens, s'extasie sur tout ce qui compose sa pièce. Elle s'approche de nous et attrape la main de son père.

— Regarde, papa ! Elle est sublime ma coiffeuse. Et mon lit, tu as vu, hein, papa ?!

L'attitude de notre fille a pour effet de nous faire redescendre en pression. Il lui sourit et regarde attentivement tout ce qu'elle lui montre, comme le père aimant qu'il a toujours été. Quand Ciara en a fini de sa chambre, elle l'amène dans la salle d'eau qu'elle partage avec sa sœur, puis dans la chambre de celle-ci. Il revient sur ses pas et me rejoint.

— Tu veux voir la grotte de Kieran ?

Il ricane car nous savons, l'un comme l'autre, qu'une fois toutes ses affaires installées, il n'en sortira essentiellement que pour manger et aller au collège.

Je descends de mon côté pour sortir une boîte à gâteaux ainsi que remplir des verres d'eau pour tout le monde.

***

Un coup d'œil à mon réveil m'indique qu'il est cinq heures quarante-cinq. Le stress de la rentrée scolaire m'a empêchée de dormir correctement cette nuit. Lorsque j'ai préparé ma classe, je n'ai malheureusement rencontré personne, alors je me demande si mes collègues vont m'apprécier. Comment vais-je être accueillie par mes futurs élèves ? Est-ce que Kieran s'intégrera rapidement pour sa première année en école secondaire ? Les jumelles arriveront-elles à partager la même classe en troisième année d'école primaire ? Lorsque nous habitions Dublin, nous avions fait le choix de les séparer, nous trouvions que cela leur permettaient de se faire leur propre groupe de copains et de ne pas être vingt-quatre heures sur vingt-quatre ensemble. Mais ici, à Waterford, cela ne sera pas possible, une seule classe par niveau. Et autre changement notoire, je serai leur maîtresse.

Agacée de tourner encore et encore dans mon lit, je me décide à en sortir et préparer un petit déjeuner de compet' pour mes trois amours. Afin d'affronter une nouvelle rentrée, rien ne vaut un véritable Irish Breakfast, et vu le temps de préparation, je fais bien de m'y mettre dès maintenant.

Une fois dans la cuisine, je sors tous les ingrédients et ustensiles nécessaires des placards alors que mon esprit dérive vers mes enfants qui vont devoir aussi se refaire des amis dans une ville qu'ils ne connaissent pas. Hier soir, ils ont appelé leur père pour lui demander s'il serait présent pour leur première journée, mais comme d'habitude, celui-ci se trouve à l'autre bout du globe. Mon cœur de maman s'est serré en voyant la déception dans leurs yeux. Moi j'ai eu l'habitude de ses déplacements professionnels. Quand on vit avec un pilote de ligne, on se sent parfois seule, et bien que les enfants n'aient connu que cela depuis leur naissance, ils ne s'y sont jamais fait. Je secoue la tête pour me reprendre et lance dans une poêle le bacon à griller. Puis, je m'attaque aux saucisses et boudins noirs. Dans une casserole, je mélange du lait et des flocons d'avoine que je mets à chauffer. Je fais toaster des tranches de pain de mie, prépare des œufs brouillés. Pour finir, je sors le jus d'orange, le beurre, les marmelades et me prépare un thé.

Une fois toutes les préparations servies dans quatre assiettes disposées sur le plan de travail, mes pensées divaguent cette fois-ci vers d'autres souvenirs. Alors que le rouge me monte aux joues, je me revois me libérer des chaînes qu'était devenu mon mariage de la plus agréable des façons. Mon Dieu ! Quand je songe aux quatre orgasmes que Noah m'a donnés, ma libido se réveille de nouveau après des mois en berne. Je ne l'ai pas recroisé depuis, bien que cette soirée ait été incroyable, lui comme moi ne voulions rien de sérieux. Puis, est-ce qu'un homme à femmes qui à l'habitude de papillonner à droite et à gauche peut se poser seulement avec l'une d'entre elles ? Mais surtout, moi, est-ce que je veux d'un homme comme ça pour plus qu'une nuit ? Non. Un peu de sérieux tout de même, on ne vit pas dans un roman de bonne femme où l'héroïne arrive à faire changer le badboy de service. Un rire m'échappe alors que je monte réveiller Kieran, Ciara et Aylin. 

Faded Sparks [En Cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant