La période d'examen commença, dans le temps tiède de la fin du printemps. Les étudiants s'embrassaient sur le parvis de l'université, entre les platebandes fleuries disséminées ça et là, se souhaitant bonne chance, ou se félicitant, tandis qu'elle observait tout ceci d'un œil absent et lointain, plongée dans des rêves éveillés qui l'enveloppaient d'une étreinte douce. Elle ne s'était pas inscrite, n'avait pas même daigné tenter sa chance car à quoi bon ? Elle n'avait pas assisté à la moitié de ses cours, elle n'avait pas lu les ouvrages requis. Son plan à elle était bien plus important que les feuillets de papiers que se passeraient les élèves dans quelques instants. Elle, profitait de la chaleur et du soleil entre les fleurs.
Elle prit son sac, son ordinateur et ses écouteurs pour changer d'endroit. Ses parents la croyaient en examens, elle avait tout le temps du monde pour errer dans les rues, à la recherche d'autres boutiques de deuxième main, d'autres librairies, d'autres cafés. Elle avait le temps. De respirer. De réfléchir. De prendre sa décision.
Fribourg s'éveillait lentement, en même temps que le soleil, et les ombres des passants se prélassaient sur les pavés d'argent, qui claquaient sous les cheveilles de la jeune femme tandis qu'elle descendait la rue marchande. La musique douce-amère qui envahissait son ventre lui faisait regretter cette époque lointaine où les étoiles ne lui manquaient pas encore, où elles n'étaient qu'un songe dans cet imaginaire collectif, où les contes seulement retraçaient leur histoire, et qu'elle se les figurait imaginaires. D'un geste court, elle éclipsa ce qu'elle s'efforçait depuis plus de dix ans à enterrer. Cette ère ne devait plus exister. Ça faisait trop mal de se rappeler.
Les images d'un petit garçon solitaire, son casque d'astronaute vissé sur le visage tandis qu'il partait à l'aventure, les jeans troués, les genoux écorchés, les pieds nus sur le goudron. Le portrait déchiré du petit bonhomme aux cheveux blonds dans le soleil, tandis qu'elle s'évadait entre les arbres pour lui échapper. Le petit être debout sur la table pour s'approcher du ciel.
Trop tard, la valve était ouverte. Elle s'arrêta sur un banc, surplombant la Sarine qui déroulait son long ventre languissant dans les creux du val, et laissa éclater son chagrin.
C'était l'idée de partir, d'imiter les rêves du petit garçon perdu, qui faisait resurgir, de plus en plus souvent, les souvenirs étouffés.·̩̩̥͙**•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚*·̩̩̥͙
En rentrant ce soir-là, le cœur lourd de doutes et d'inquiétude, elle sentit le besoin douloureux de parler de son futur avec quelqu'un. Marc lui avait sauté à l'esprit mais il n'en était pas question. Elle ne pouvait pas laisser ses sentiments amoindrir la nécessité de son voyage. Les étoiles, pensait-elle sans discontinuer en s'étalant sur son lit, sous les yeux rassurants du globe. Elle tapota quelques chiffres lumineux sur l'écran de son téléphone portable, puis colla l'appareil contre son oreil glacée.- Allo ?
La voix familière réchauffa le corps d'Aurore.
- Coucou, c'est Aurore ! T'as un peu de temps ?
- Aurore ? Mais qu'est-ce qui arrive ?
La voix inquiète de Julie ramena aux narines de la jeune femme une odeur de patchoulis qu'elle regrettait ne pas avoir autour d'elle.
- Non, rien. Je dois juste un peu parler, je crois.
- C'est à propos de Marc ? demanda la comédienne. Attends, je suis dans ma coloc, je sors sur le balcon.
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L'Absence des Étoiles
Romance« Elle avait souvent demandé à ses parents, comment cela était, de pouvoir sentir sur les visages tournés vers les cieux, les douces lueurs des astres mais jamais ils n'avaient pu le lui dire. « Tu sais, on n'y prêtait pas vraiment attention » répon...