Le 23 août. C'est l'aube. Sur son lit soigneusement arrangé, sur les draps qui font cousin, son manuscrit se couche aux côté de la lettre qu'elle lui a adressée et le globe qu'il lui a offert, au début de leurs tendres amours, regarde tendrement la scène depuis la commode. D'un geste pâle, elle y ajoute la plaquette d'argent, percée à moitié, qui préserve en son sein les dernières pilules azur abandonnées, et le paquet vide de cigarette, qu'elle glisse sous les pages.
Le petit autel ainsi créé brille dans la pâle lumière matinale, et les reflets chatoient le mur comme les réfractions d'un prisme.
A toi, a-t-elle simplement écrit sur la première page de son œuvre, sur ce récit de son année avec lui. Incomplet, elle le sait, et il le restera. Elle a toujours eu un faible pour les histoires sans fin.
Elle a pris la décision de ne pas changer leurs noms, qui s'impriment sur les pages d'argent en caractères bleus nuits. Ces noms ont leur histoire. Trop s'y rattache.
Dehors, l'aurore détache les ombres, les étalent sur le goudron qui prend des couleurs d'or rose, à l'image des astres sommeillants. C'est bientôt l'heure Dehors pointaient les premiers rayons d'un soleil trop faible encore, dans un scintillement doux qui annonçait une journée chaleureuse.
Elle ne sait pas bien quoi dire, comment faire ses adieux à cette chambre d'enfant, à ses meubles qui ont grandi comme elle, à la douceur satinée des rideaux de nuit, à ce lit dans lequel Marc s'est rarement glissé, mais qui garde son odeur d'amour entre les plis grisés, le cadeau de Marc couronnant son chevet, ses chaussons de danse laissant pendre les rubans d'or comme les cascades enchanteresses qu'elle a pu une fois imiter.
Comment dire au revoir ? Elle ne reviendra plus, elle en est consciente. La personne qui retournera de son périple, si une personne en retourne, ne sera plus jamais la même. Elle joue de ses doigts fins avec le collier qui palpite contre sa gorge serrée, ce collier d'argent qui chante les étoiles disparues, qui lui rappelle à chaque instant la tendresse de Marc, et ce pourquoi elle le laisse derrière.
C'est l'heure. Dehors, les vagues de la brise ramènent à ses narines l'odeur des bois mélée à celle du goudron tiède. Elle se saisit du sac, auquel sont attachées ses chaussures, et dans lequel se serre toute sa vie future. Rien besoin de plus. Alors, dans le silence de l'aube, après avoir descendu ses marches comme si c'était la première fois, elle danse sur le trottoir, les pieds nus ancrés sur le sol mais la tête trop haute dans les nuages.
Une dernière fois, elle patiente à côté du panneau délavé des horaires de bus, une dernière fois elle adresse au chauffeur un petit hochement de tête. Et une dernière fois, elle se retourne pour embrasser le visage de Marc, qui dort encore.
cecile richard, https://haraiva.tumblr.com/page/4
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L'Absence des Étoiles
Romantizm« Elle avait souvent demandé à ses parents, comment cela était, de pouvoir sentir sur les visages tournés vers les cieux, les douces lueurs des astres mais jamais ils n'avaient pu le lui dire. « Tu sais, on n'y prêtait pas vraiment attention » répon...