Chapitre 3 : colère

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Lorsque Katsuki lève la tête et que leurs regards se croisent à nouveau, Eijiro sait qu'il ferait mieux de fuir. Il le lit dans les yeux de l'autre et ça le terrifie. Rien ni personne ne pourra arrêter l'explosion qui se prépare. Alors, Katsuki attrape la nappe et la tire violemment. Les couverts volent à travers la pièce tandis que le reste de la vaisselle se brise sur le sol dans un fracas épouvantable.
Le blond a perdu toute maîtrise de lui même et ne contrôle plus ses gestes. Il saccage méthodiquement la pièce, ravage un à un les meubles, met sans dessus-dessous chaque recoin jusqu'à ce que le parquet ne soit plus que jonché d'objets divers et de morceaux de verre brisés. Après que la salle à manger entière a été mise à sac et que la dernière étagère a vacillé avant de s'écraser au sol, Eijiro, pétrifié, ne peut rien faire de plus que constater le carnage.
Seul dans la cage d'un lion à jeun, le rouge ne se serait pas sentit plus menacé.  Ce soir il fait face à un animal, un sauvage que 3 ans d'amitié ne parviendront pas forcément à apprivoiser et il le sait.
Le cendré se retourne vers son meilleur ami, se dresse de toute sa taille et le souffle court il se met à hurler. Il hurle sa colère: contre le rouge, contre le ciel, contre le destin et ce qu'il lui a pris, comme si cette tornade de vibrations pouvait éloigner de lui les émotions qu'il rejette tant bien que mal depuis la veille.
Immobile contre le mur, haletant et terrifié, Kirishima en larmes tremble de tous ses membres.
Mais lorsque Katsuki arrache violemment un cadre photo accroché au mur, malheureux survivant de la tempête précédente, et qu'il l'explose volontairement sur le sol, les yeux exorbités de haine, ça en est définitivement trop pour Eijiro.
Le jeune homme se lève, essuie rageusement ses larmes et s'avance avec bravoure vers l'œil du cyclone. Il l'attrape par le col, le plaque contre le mur et braque son regard dans le sien avant de lui cracher violemment au visage:
« - C'est l'exacte raison pour laquelle tu n'as jamais rien su lui dire. »
Le blond, surpris, soutient son regard  puis soudainement, ses pupilles se dilatent et il revient à la réalité. Complètement perdu, il laisse ses yeux divaguer dans la pièce, s'écarquillant un peu plus à chaque seconde, avant de revenir à ces iris écarlates dans lesquelles il ne décèle plus une seule trace de colère, seulement cet altruisme si caractéristique et à son grand désarroi, un immense chagrin.
Alors, son visage se décompose tandis qu'il agrippe son T-Shirt à gauche de sa poitrine, le corps entier secoué de sanglots silencieux, et, finalement, gémis d'une voix rauque:
- «Pourquoi est ce que je suis incapable de réagir autrement ? Je m'étais promis d'abandonner celui que j'étais au collège de changer une bonne fois pour toute et de ne plus jamais refaire les mêmes erreurs et pourtant je suis toujours l'exact même connard. Aujourd'hui encore je suis pas foutu de faire autre chose que d'effrayer les gens que j'aime. Pourquoi est-ce que j'arrive pas à garder le contrôle ? Merde regarde toi je suis tellement désolé...Putain Eiji pourquoi est ce que ça fait si mal maintenant ?! Comment ça se fait que je ressente ce truc dans ma poitrine ? Bordel de merde il est, il est... » la voix du jeune homme se brise tandis qu'il regarde son acolyte de toujours de ses grands yeux carmins brillant de culpabilité, de détresse, et de larmes.
Et, ne retenant plus ses pleurs, il s'effondre dans ses bras.
À cet instant, la pression incommensurable qui étranglait Eijiro se relâche complètement et il respire à nouveau. Pour la première fois de sa vie et peut-être la dernière, Bakugo Katsuki a désespérément besoin d'aide.
Inconsciemment il enlace l'autre de ses bras et laisse leurs corps emboîtés glisser jusqu'au sol pendant que des torrents de larmes viennent dévaster son visage d'habitude si guilleret.
Une main s'agrippe à lui comme si sa vie en dépendait tandis que son propriétaire murmure la tête enfouie au creux de son cou :

« je suis désolé... »

Et sans aucune difficulté, il lui pardonne tout. Parce que le blond a besoin du rouge.
Parce que le rouge a besoin du blond.
Parce qu'il vient de l'appeler Eiji et de lui dire indirectement qu'il l'aimait.
Parce que lui aussi il l'aime, qu'ensemble, ils ont déjà vécu le monde et qu'il n'y a rien qu'il ne donnerait pas pour le voir heureux à nouveau.

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