Écrire

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"Écrire, c'est se montrer."

Jean Chalon


Elle a écrit jusqu'à l'aube. Le contenu importe peu. Dans tous les cas, je n'arriverai pas à le lire. Elle garde tout pour elle. Mais j'étais content. Pour la première fois depuis plus d'un an, elle ne vivait pas à travers les écrits des autres. Lire, c'est vivre ce que quelqu'un d'autre écrit. Écrire, c'est s'exprimer. Elle a eu du mal au début. Sa main tremblait, ses yeux se remplissaient de larmes si bien qu'elle dû y passer sa main de nombreuses fois. Puis une fois que la plume a touché la feuille, elle ne l'a plus quittée. Liz, elle écrit bien. Tant en calligraphie qu'en style. Mais elle ne le sait pas encore. Enfin bref, elle a écrit en pleurant. Et c'était mieux que de sourire.

Quand elle s'est levée dans l'après-midi, elle se pinça la joue avant de regarder sur son bureau. Elle se rendit compte qu'elle progressait. Sa mamie serait fière, c'est sûr. Vit-elle encore? Aujourd'hui oui. Et à partir d'aujourd'hui elle revivra chaque jour un peu plus. Sa convalescence se stop ici. Un an sans vivre, c'est bien assez. Quand elle descend, son père est à table, entrain de ranger ses factures. C'est vrai, c'est samedi. Elle s'installe à ses côtés, lui souriant. Il hausse un sourcil en voyant son sourire avant de lui tendre le journal, qu'elle refuse. Là c'en est trop. Quelque chose cloche se dit-il.

"Tout va bien Liz? Tu n'es pas comme d'habitude."

Elle ne lui répondra que d'un sourire et engloutit son déjeuner.

"Je vais faire un tour dehors. Il fait beau aujourd'hui."

Son père restera muet, les yeux écarquillés, alors qu'elle quitte la table pour rejoindre la salle de bain. Elle prendra une douche, longuement, profitant. Quand elle se regarde dans le miroir, en coiffant ses longs cheveux dorés, elle se rend compte que son regard est toujours vide. Se ment-elle à elle même? Est-elle prête à se reprendre? À revivre? Elle secoue la tête. Ce n'est pas le moment de douter. Aujourd'hui, elle sort! Elle s'habille d'un jeans, un gros pull puis dévale les marches en enfilant sa grosse veste. Elle couvre ses cheveux encore mouillés d'un bonnet, et son nez rouge d'une écharpe. En réalité, ce n'est pas pour avoir chaud, mais pour se cacher. Après avoir refermé la porte de sa maison, elle prend une grande inspiration. Habitant en banlieue de Bruxelles, elle pourra rejoindre le centre-ville en métro, la station n'est pas loin. Alors elle marche, doucement, le pas douteux. Elle n'est plus qu'à une centaine de mètres des escaliers menant au métro. Les gens regardent distraitement la petite fille (oui, 14 ans, mais petite quand même).

"Pourquoi ils me regardent eux? Ils doivent sûrement se demander ce qu'une jeune fille fait seule...Seule."

Liz se sent peu à peu oppressé par ce regard, sa respiration s'accélère, son pouls s'emballe.

50 mètres.

Elle accélère le pas. Une fois dans le métro, la densité de personne la cachera. Encore un peu..

10 mètres.

Quand une jeune dame s'arrête près de Liz et lui demande gentiment si elle est perdue, c'en est trop. Liz prend ses jambes à son cou et sprint, retour à la maison. Elle a l'impression que tout le monde la remarque, essaye de la retenir, de l'interroger, l'harceler. Elle court, tombe, se relève, reprend sa course effrénée. Elle enfonce presque la porte de son domicile et la claque derrière, se laissant ensuite glisser contre le mur, essoufflée. Heureusement que son père ne la voit pas, heureusement que son frère non plus. Elle restera là quelques temps.

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