Chapitre 4

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          Je suis enfermée dans cette cage, trop petite pour moi. La pièce est sombre, mais je ne vois pas les murs. L'air est lourd, il fait chaud, la sueur coule dans mon dos. Je le vois à travers les barreaux. Il me fixe de ses yeux noirs. Adrien. Il me fait peur. La cage devient de plus en plus étroite. L'acier rentre dans ma peau, compresse mes membres, m'engourdis. La douleur grandit en moi. La terreur également. Il s'approche de moi, me domine de sa grande taille. Je ne discerne pas bien son visage, seulement son regard. Son regard fou. Sa main effleure mon bras. Une caresse aussi douce qu'un poison mortel. Mon souffle s'accélère. Je dois sortir de là. Ne pas paniquer. Mais sa main brûle ma peau, laissant dans son sillage des cloques. La cage m'étouffe, je ne peux plus respirer. Je vais mourir. Je vais mourir face à lui et son air triomphant. Il a gagné.

- Tu sais que je suis obligé de faire ça, ma chérie ?

Bip, Bip, Bip.

Mais c'est quoi ça ?

Bip, Bip, Bip.

          Je me réveille en sursaut. Mon bipper.

- Oh mon Dieu...

Je suis en nage. Mes draps sont trempés de sueur. Ce n'était qu'un cauchemar.

°°°

          Il est minuit, et cinq véhicules partent pour un accident sur l'autoroute. Mon bipper affiche comme message de départ : VL contre PL. Véhicule léger contre poids lourd.

Je suis dans le fourgon feu avec Naëlle, Pascal et Eric. Le trajet est long, l'autoroute est remplie d'embouteillages. Nous sommes les derniers à arriver sur les lieux. Un camion est couché de tout son long au milieu de la route. Non loin de lui, une voiture est sur le toit, trois autres se sont rentrés dedans, déformant les carrosseries. La voiture du milieu n'est plus qu'un bloc carrée. J'espère que l'intervention ne sera pas trop longue, je suis fatiguée.

- Mon Dieu... Mais qu'est-ce qui s'est passé ici ?

La voix de Pascal me fatigue, personne n'est en capacité de lui répondre.

De la fumée sort du poids lourd.

          Je sors du camion et me dirige vers les équipes déjà au travail. Ils m'informent qu'il n'y a qu'un seul survivant, l'homme coincé dans son camion. Ce dernier se serait apparemment endormis en conduisant, perdant ensuite le contrôle de son véhicule. Les hommes sont de loin la pire espèce. Ils sont tous tellement lobotomisés par leur petite vie ennuyante qu'ils n'écoutent même plus leur corps. Pathétique.

- Parks !

Le colonel m'appelle.

- Tu veux bien aider à la désincarcération ? J'évite de laisser les petites nouvelles comme toi s'occuper des morts. Surtout quand ils sont dans cet état. Je n'aimerai pas que tu nous fasses un petit malaise !

Son rire moqueur me fait frissonner.

- Oui mon colonel.

Je lui esquisse un faible sourire. Va te faire foutre. Je me dirige vers le camion. Mon regard ne peut s'empêcher de chercher les corps des victimes encore prisonniers de ces cercueils de métal. Et là, je les vois. Je vois cette femme, aux yeux ouverts et à la tête totalement désarticulée. Ces yeux ont l'air immense, effrayé sans doute. Je vois un enfant dans un siège-auto à l'arrière, un petit garçon, pas plus de sept ans, le visage apaisé et rêveur. Il devait dormir. L'accident a dû être si rapide qu'il ne sait surement pas réveillé. Charly faisait toujours la moue quand elle dormait. J'ai hâte de revoir son visage.

Dans une deuxième voiture, il y a une vieille dame. Son bras a été arraché. Il y a du sang partout.

Je ne peux plus regarder. La vue de tous ces corps me rend faible. J'avance jusqu'au camion sans tourner la tête.

          Deux pompiers sont déjà en train de réaliser la désincarcération. Un d'eux est assis dans une étrange position derrière le chauffeur et lui tiens la tête, l'autre tente de dégager ses jambes, coincés sous l'imposante carcasse du poids lourd. Le visage de la victime se tord de douleur. Une plaie béante sur son front laisse voir son crâne. Ses yeux me supplient de l'aider. La bile me monte à la gorge. Va-t-il y rester ? S'il y a une justice, alors ça devrait être le cas. Des gens sont morts par sa faute, un enfant est mort.

- Parks ! De l'essence a coulé sur la route. Pas mal d'essence même. Ça pourrait exploser, il faut faire vite. Le fourgon feu ne va pas tarder à arroser le tout. Chope la pince, elle est dans le camion. Dépêche-toi.

Je ne supporte pas que l'on me donne des ordres. Mais je dois rester docile si je veux passer inaperçu. Les cris de douleurs de la victime résonnent dans l'habitacle, me rappelant de vieux souvenirs. Mais ce n'est pas le moment de penser à ça. Je dois aider cet homme.

Je m'apprête à monter dans le véhicule de secours routier quand une vague de chaleur vient lécher mon dos. Je sens ma tenue de pompier et ma peau fondre, ne faire plus qu'un. La sensation de douleur est immédiate. La détonation de l'explosion résonne dans mes oreilles. Je m'effondre, un sifflement sourd dans les oreilles, mon lourd casque entrainant avec vitesse ma tête vers le sol.

LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant