Chapitre 2

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          Mon bipper sonne. C'est repartit pour un tour. Juste le temps de regarder l'heure avant de sauter dans ma tenue. 3h09. Génial. Je le fais pour toi Ro. Je sais que tu voulais faire un travail comme celui-ci.

          Je descends les escaliers des quatre étages jusqu'au sous-sol aussi vite que possible. Je grimpe dans le VSAV, mes collègues sont déjà là : Taïs, Paul, et Juan. Nous sommes dans la même garde et durant cette première semaine à la Caserne Le Corbusier, nous sommes partit plusieurs fois en interventions ensemble.

- Encore la dernière arrivée, Parks.

Paul et son petit sourire en coin m'horripilent. Je ne pense pas que ce soit quelqu'un de mauvais, il est juste imbu de sa personne. Son obsession envers le Tableau est maladive. Le Tableau est notre classement en temps réel. Il veut à tout prit réussir.

- On part pour quoi ?

- Pendaison.

Taïs à l'air émus, sa voix n'a pas la même intonation qu'en temps normal.

          Juan a roulé à toute vitesse pour nous faire arriver le plus rapidement possible sur les lieux du drame. A peine a-t-il garé l'ambulance que deux femmes accourent vers nous. Leurs jouent sont maculées de larmes, leurs yeux gonflés et striés de veines rouges. Elles se présentent comme la mère et l'ex-femme de la victime. Ex-femme ? Que fait-elle ici s'ils ne sont plus ensemble ? Pourquoi se soucierait-elle de l'état de son ex-mari ? Mais pourtant, je vois à son visage qu'elle est vraiment attristée. L'adrénaline monte et j'aime ça, ça me fait me sentir forte. Je n'entends plus rien, je les suis à l'intérieur de la grange.

          Un homme est pendu là. Il ne doit pas avoir plus de trente ans. Pourquoi a-t-il fait ça ? Je ne comprends rien à ce qui se passe autour de moi et je n'aime pas être dans l'ignorance. Taïs s'occupe de calmer les deux femmes en pleurs. Paul et Juan soulèvent le corps inerte pendant que je défais la corde nouée à son coup. Cette dernière y a laissé d'énormes traces violettes, quasiment noires. Le visage de l'homme a une couleur bleutée, ses yeux sont exorbités et sa mâchoire ouverte laisse imaginer que l'homme a dû essayer de crier avant de perdre connaissance. J'appelle le SAMU en renfort.

          Pendant dix minutes, nous essayons de le réanimer. Pas de réaction. Je le ballonne pour faire circuler l'air dans ses poumons. Mes doigts se crampent mais mon mouvement de pression sur le ballon reste régulier, précis. Mes pensées divaguent. Après l'avoir massé sans succès, Juan décide de le choquer avec le défibrillateur et Paul continue de prendre ses constantes. Toujours rien. Le son des deux tons du SAMU m'informe que les ambulanciers sont arrivés. L'infirmier et le médecin en chef prennent le relais.

          Je m'écarte, ils ont besoin de place. Cet homme me met en colère. Pourquoi vouloir mettre fin à sa vie dans la maison de sa propre mère ? Pourquoi lui infliger une telle douleur ? Par sa faute les questions se bousculent dans ma tête.

- Chef, on a un pouls.

Son cœur repart. Nous l'installons sur le brancard sans grande difficulté et l'amenons jusqu'à l'ambulance. Mais où est Taïs ? On a besoin de lui ! J'ai besoin de voir ce qu'il fait pour garder le contrôle. Tout va trop vite, bien trop vite. Chacun s'active, sachant ce qu'il doit faire. A part moi. J'ai beau réfléchir avec efficacité et détailler rapidement ce qui m'entoure, je ne saisis pas toutes les informations qui tournent autour de moi. Cela m'angoisse. Il faut que ça ralentisse.

Ma tête tourne, l'accent québécois de Paul irrite de plus en plus mes oreilles. Il ne peut pas se la fermer ? C'est insupportable. Il est insupportable. Il est entièrement responsable de mon manque de concentration. Juan s'approche du médecin et l'informe que les gendarmes sont arrivés pour nous escorter jusqu'à l'hôpital. Bon, ça veut dire que c'est bientôt terminé. Enfin. Je n'ai plus qu'à suivre le mouvement, à me laisser glisser.

LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant