Chapitre 2 : Celle qui apporte les Morts

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Je ne serai point un mari indigne de toi parmi les Immortels, étant le frère du Père Zeus. Mais, quand tu reviendras ici, tu domineras sur tout ce qui vit et se meut, et tu jouiras des plus grands honneurs parmi les immortels; et le châtiments des hommes iniques sera éternel, s'ils n'apaisent point ton esprit par des victimes, en te sacrifiant selon le rite et en te faisant de légitimes présents.

-Hadès à Perséphone, Homère « Hymne à Déméter »

traduit en 1868

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Je me fendis d'un sourire, humectant le parfum tendre et délicieux de la nature qui s'offrait à moi. Le soleil n'avait point faibli et sa lueur ainsi que sa chaleur divine stimulait en moi une joie sans limite.

Les Océanides s'étaient éloignées, Artémis les avait rejoint, ou peut être était ce moi, attirée par un magnifique massif de narcisses, qui m'en allais.

Elles étaient d'une extrême pâleur. Autre chose qui m'intriguait alors à cet instant : celui-ci n'était pas la veille. Je fronçais les sourcils, me penchant vers celui-ci.

- Vous êtes bien étranges mes jolies, que faites-vous donc ici ? murmurais-je, alors que j'approchais lentement ma main des pétales. Vous, vous n'êtes pas d'ici, vous aspirez la mort !

Je la touchait à présent. Je tressaillis. Leur beauté était sans pareil, nul ne pouvait les équivaloir et une folle envie d'en cueillir une me prit.

« Mort » me chuchotaient-elles. « Mort, la Mort ». Plus je glissais ma main vers la tige d'une de ces fleurs, plus les mises en garde se faisaient entendre. Le désir d'en avoir une était tellement intense... Ces mises en garde me paraissaient alors lointaines lorsque j'en pris une.

« Derrière toi » me sifflaient les autres. « Aidôneus, la Mort ».

- Aidôneus ? demandais-je.

- Oui ? me répondit une voix derrière moi alors que je sursautais.

Sur ce, sans plus attendre, deux puissants bras m'encerclèrent, me serrèrent, me levèrent et je poussais un cri de terreur, horrible, déchirant.

Je tentais de m'enfuir sur son chars d'or, en vain. Je criais, me débattais, rien à faire. J'étais désormais entre les mains d'Hadès, le seigneur des Morts qui, non sans voir sa route à travers les ténèbres, gardait un œil sur moi.

- Pourquoi donc moi ? Qu'ai-je fais ? Qu'ai-je fais pour m'attirer votre colère ? interrogeais je.

- Je ne suis point muni de fureur en ce qui vous concerne, répondit-il d'une voix neutre, le visage fermé et maintenant le regard droit devant. Rien ne sert de crier, seul moi vous entendrais... Nous sommes bientôt arrivés, ajouta t-il alors que je frissonnais, le froid s'incrustant dans chacun de mes pores, sur chaque millimètre de peau qui m'appartenait.

Le froid se faisait de plus en plus intense. Je ne pouvais tomber malade, étant une divinité, or ce n'était pas une température qu'un mortel, vivant du moins, supporterait et j'étais loin d'avoir la même habitude que mon souverain de kidnappeur.

Je claquais des dents à présent, essayant de me réchauffer dans ma toge. Non. Vraiment pas l'habitude. L'Invisible me dévisagea un instant avant de me lancer une sorte de manteau en laine chaude. Ma respiration saccadée reprit peu à peu le fil, mais le froid persistait et devenait plus rude encore.

Une narcisse endiabléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant