PDV Richard
Deux mois de distance insoutenable avec Paul. Voilà ce que nous sommes devenus depuis ce fameux bal masqué : comme des étrangers.
Malgré les nombreuses insistances de Till, je n'ai pas réussi à lui parler. Je n'ai pas réussi à lui dire que c'était moi, l'homme masqué qui l'a embrassé à cette soirée, et combien je suis désolé d'avoir monté cette mascarade parce qu'en réalité, j'ai la trouille.
J'ai la trouille de lui dire combien je peux l'aimer...Alors j'ai fini par me faire une raison et je me fais violence chaque jour pour oublier mes sentiments naissants pour mon meilleur ami. J'ai vu sa réaction au bal, s'il a mal pris le fait qu'un homme l'embrasse, comment réagirait-il savait que c'était moi ?
Till n'arrête pas de me dire que Paul partage mes sentiments, j'aurais pu y croire il y a quelques temps mais maintenant, tout cet espoir semble se dissiper au fur et à mesure que la distance physique entre nous s'agrandit.
Nous ne nous touchons plus. Je vis toujours plus ou moins chez lui, nous partageons toujours le même lit mais nous nous contentons des banales « bonne nuit » et chacun va de son côté. Plus d'étreinte, plus de fusion, plus de contact visuel. Il détourne mon regard chaque fois que j'essaie de le capter.
J'en suis malade, j'ai d'ailleurs perdu 7 kilos et Paul ne semble pas non plus aller bien. Je le connais que trop bien. Son espièglerie a disparu, il s'est renfermé, son beau sourire s'est fait la malle, lui aussi. J'essaie tant bien que mal de ne pas perdre notre complicité, à défaut d'avoir perdu notre fusion physique, mais il répond peu à mes sollicitations.Nous avons par contre avancé avec le groupe. Nous avons terminé l'enregistrement de l'album, il sort la semaine prochaine.
Demain, nous allons enregistrer le clip de « Mein Land » sur une plage à Malibu. Nous partons donc aujourd'hui aux Etats-Unis.
Je dois dire que je suis enthousiaste comme à chaque fois que nous allons enregistrer un clip. J'adore me glisser dans la peau d'un acteur le temps d'un tournage.
Mais mon excitation est loin d'être celle des autres fois. Il y a quelque chose qui manque à ce tableau parfait, et ce quelque chose, c'est ma complicité avec mon meilleur ami...
J'ose toutefois espérer que le tournage va le rendre de meilleure humeur et que nous pourrons nous retrouver, ne serait-ce qu'un peu...Nous nous rejoignons tous à la tombée de la nuit à l'aéroport de Berlin. Tout le monde est ensommeillé et Till est d'une mauvaise humeur sans nom.
-Tu as oublié d'étiqueter tes bagages Flake, gronde Till.
-C'est une nouvelle valise, je n'y ai pas pensé, répond le claviériste. Puis nous avons un avion privatisé, je ne risque pas de la perdre, elle sera avec vos bagages à vous.
-Ne viens pas te plaindre si tu la perds, rétorque le chanteur. Franchement Lorenz, réveille-toi un peu !
Flake soupire et s'éloigne pour s'installer sur un banc auprès d'un Doom endormi.
-Et toi Paul, tu vas arrêter quand de tirer la tronche ? s'écrie Till.
Paul, qui est assis à côté de moi, relève la tête et regarde le chanteur d'un air estomaqué.
-Je n'ai rien dit il me semble, répond doucement le guitariste.
-Tu ne dis rien justement, à part faire une tête d'enterrement depuis deux mois, c'est tout ce que tu fais !
-Mais laisse-moi ! renchérit Paul. Qu'est-ce qu'il t'arrive Till ?
-C'est plutôt à toi qu'il faut demander ça vu comment tu es en ce moment ! Tu nous saoules à faire la gueule, Landers !
J'observe Paul du coin de l'œil qui semble être à fleur de peau. Il a une larme qui perle dans le coin d'un de ses yeux, choqué sans doute de se faire soudainement engueuler par Till.
J'ai le cœur brisé de le voir comme ça. Et ma colère est en train de monter.