Chapitre 2

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Son avenir lui avait toujours paru incertain. C'est pourtant ce même concept d'incertitude qu'elle redoutait autant que la peste. D'un naturel indécis et plein de doutes, ce sentiment était loin d'être son meilleur ami. Il l'avait cependant habité des années durant. Il avait côtoyé son esprit lorsqu'il lui a fallu faire des choix importants dans son parcours scolaire. Il l'avait épaulé lorsqu'elle dut choisir son université. Il avait toujours été présent quand il s'agissait d'opérer de grands changements dans sa vie. Depuis ce matin là, il avait élu domicile en elle et ne voulait plus la quitter. C'était à se demander ce qui lui plaisait tant chez elle...

Appuyée sur la rambarde de son balcon, Sarah scrutait l'horizon comme si ce dernier lui apporterait la solution à tous ses maux, à tous ses doutes. Enfin, pouvait-on réellement appeler cela l'horizon ? Disons que son appartement ne surplombait pas vraiment la ville lumière. La seule chose qu'elle voyait à perte de vue, c'était une immensité de bâtiments, tous différents les uns des autres. Le seul monument visible était l'Arc-de-Triomphe.

Elle était tirée à quatre épingles depuis six heures et demie du matin. Son rendez-vous était à huit heures précises. Le stress ? L'angoisse ? Non. Juste le souci de bien faire, que rien ne dépasse, que tout soit en règle et même irréprochable. Si la perfection était inatteignable à l'échelle humaine, elle voulait toutefois viser l'excellence. C'était une maxime de vie.

Paradoxalement, elle essayait de se persuader qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter. Elle avait envoyé son CV et sa lettre de motivation à, elle l'espérait, son futur employeur. Elle se disait que si elle avait rendez-vous avec lui, c'était que son profil lui avait plu. Pourquoi donc s'inquiéter ?

Le moment venu de se rendre à son entretien, elle prit ses affaires et s'en alla.

Une demi-heure plus tard, elle arriva devant un énorme building vitré de haut en bas et dont elle eu du mal à voir le sommet. Des hommes en costumes et des femmes en chemisiers chics formaient une foule aérée autour d'elle. Se fondant dans la masse, elle marchait d'un même pas déterminé. S'ils avaient la capacité d'avoir confiance en eux, pourquoi n'en ferait-elle pas autant ? Elle avait tout autant de choses à prouver qu'eux et était tout à fait capable de s'imposer en ces lieux. Seulement fallait-il encore qu'elle soit engagée.

Les larges portes transparentes du bâtiment s'ouvrirent devant elle, lui offrant une vaste entrée avec tout autant de mouvements qu'à l'extérieur. Elle se dirigea vers l'accueil et demanda le lieu de rendez-vous à la secrétaire.

- C'est au 37ème étage. Les ascenseurs se trouvent sur la droite ! lui dit la secrétaire en lui montrant les ascenseurs du doigt.
- Merci !

Sarah se dirigea d'un pas droit mais quelque peu hésitant vers les ascenseurs devant lesquels attendaient déjà une dizaine de personnes. Une fois à l'intérieur, elle se laissa porter jusqu'à l'étage où son futur allait se jouer. Les portes s'ouvrirent en dévoilant un accueil, de larges couloirs de sens opposés, des bureaux entourés de parois vitrées, tous aussi animés que le reste de l'immeuble. Face à l'accueil se trouvait une petite salle d'attente où étaient déjà installées quelques personnes. Sûrement ses futurs collègues. Ou ses actuels adversaires.

Après une dizaine de minutes d'attente, une dame longiligne, dressée sur des talons aiguilles appela son nom. Elle se leva en essayant de ne pas fléchir sous le poids du stress qu'elle tentait de refouler depuis la veille. La dame la guida à travers un long et lumineux couloir. Elle salua quelques collègues au passage. Au fond du couloir, une imposante porte noire se dressa devant les deux femmes. La dame aux talons appuya sur le bouton d'une petite sonnette à droite de la porte. Après une poignée de secondes, la porte s'ouvrit et elle se glissa à l'intérieur de la pièce.

- Je vous amène Sarah Hernández. Elle passe l'entretien pour le poste de gestionnaire des ressources humaines, dit-elle d'une voix fluette.
- Faites la entrer.

Elle ressortit du bureau avec un sourire aux lèvres.

- Bonne chance ! l'encouragea-t-elle.

Sarah respira un bon coup et entra en souriant. La pièce était gigantesque. Un énorme bureau noir trônait au centre, une bibliothèque de la même couleur tapissait le mur. Sur le côté, deux canapés avec une table basse tournaient le dos à une grande baie vitrée. Installé dans un fauteuil de bureau noir, un homme d'une carrure imposante la regardait de ses yeux bleus en souriant. Elle s'approcha de lui en observant les moindres traits de son visage. Il se leva de sa chaise et lui tendit la main, qu'elle serra aussitôt.

- Bonjour !
- Bonjour Mademoiselle Hernández. Je vous en prie, asseyez-vous.
- Merci.

Elle s'assit délicatement sur l'un des deux sièges face à son bureau.

- Présentez vous, dit-il sur un ton curieux.
- Je m'appelle Sarah Hernández, j'ai vingt-trois ans. J'ai un Master en ressources humaines et, en tout et pour tout, deux ans de stage dans trois entreprises différentes à mon actif.
- Avez-vous des qualités particulières qui feraient avancer l'entreprise ?
- Bien sûr ! Je suis sociable et dynamique, à l'aise avec les projets de groupes, j'aime exposer mes idées et débattre sur divers sujets. J'aime également la tranquillité et le calme. Je suis aussi efficace dans des travaux de groupes que dans des travaux individuels. J'aime le rapport à l'autre, l'aider à résoudre ses problèmes, ses conflits avec une tierce personne.
- Très bien, agrémenta-t-il intéressé.
- Je parle couramment quatre langues, dont l'anglais. J'adore voyager, donc les voyages d'affaires ne sont pas un problème pour moi.
- Très bien. Vous savez sûrement que le poste que vous convoitez inclut une grande partie de travaux administratifs ?
- Tout à fait.
- À ce niveau là, avez-vous des qualités particulières ?
- Je suis organisée, rigoureuse dans mon travail et je ne rend jamais un dossier en retard.
- Comme vous avez pu également le voir dans la salle d'attente, vous n'êtes pas la seule à vouloir ce travail. Je sais d'avance que certains d'entre vos concurrents n'ont pas une idée précise de ce en quoi il consiste, précise-t-il. Vous aurez à promouvoir et à veiller à la qualité des conditions de travail des employés. Vous devrez, pour cela, avec vos collègues, mettre en œuvre toutes sortes de projets visant à maintenir la bonne entente entre les employés. Vous serez également amenée à organiser les formations relatives aux carrières. Pensez-vous en être capable ?

Ses yeux captivants fixaient ceux de la jeune femme comme pour deviner ce qu'elle pensait. Elle savait qu'il analysait sa posture, son vocabulaire, son débit de parole et surtout son contenu.

- J'en suis sûre et certaine, dit-elle assurée.
- Parfait ! Ah oui ! J'oubliais. Vous serez aussi chargée des versements des salaires, des primes, des recrutements mais aussi des licenciements.
- Oui, j'ai exercé ce domaine là durant mes stages.
- Très bien ! Avez-vous des questions ?
- Oui, concernant les horaires...
- Vous travaillerez du lundi au vendredi, de 8h30 à 18h30.
- D'accord !
- D'autres questions ? lui demanda-t-il.
- Non, tout est clair.
- Parfait, dit-il en se levant de son fauteuil.

Il la raccompagna jusqu'à la porte de son bureau, qu'elle scruta une dernière fois. Arrivée devant la porte, il lui serra la main. Une poignée ferme mais pas violente.

- Dites, dit Sarah hésitante, vous pensez que j'ai une chance d'être prise ?

Il la regarda dans les yeux et esquissa un petit sourire.

- Que cela reste entre nous, mais vous êtes la personne avec le dossier le plus complet et avec les meilleures compétences. Alors, oui, vous avez de très grandes chances d'être prise. Ma secrétaire vous rappellera dans la semaine pour vous confirmer l'obtention du poste. Mais ne vous inquiétez pas à ce sujet.
- Merci beaucoup, Monsieur...
- Anderson, Monsieur Anderson.
- Je vous souhaite une bonne journée, Monsieur Anderson ! lui dit-elle en souriant.
- À vous aussi !

Il lui ouvrit la porte et la referma derrière elle après un dernier regard.

The Boss ManOù les histoires vivent. Découvrez maintenant