Chapitre 10

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- Alors ton diner en famille de samedi soir ? demanda Arya en se servant une tasse de café.
- Amusant mais fatiguant ! Surtout quand les conversations prennent un tournant politique ! répondit Sarah en levant les yeux au ciel. Tu sais ce que c'est.
- En fait... pas vraiment.

Sarah s'en voulut immédiatement pour cette petite phrase qui lui semblait de trop. Il est vrai qu'elle ne savait rien de la famille d'Arya. Peut-être n'en n'avait-elle plus.

- Ne fais pas cette tête, lança l'indienne d'un air amusé, je ne suis pas orpheline ! Mais c'est vrai que je n'ai que très peu de nouvelles.
- De quelle région d'Inde viens-tu ?
- Je viens d'une région appelée Madhya Pradesh. Mes parents et le reste de ma famille, à l'exception de quelques cousins, y vivent encore. Ma famille n'a jamais eu beaucoup de moyens et vit dans un village à la périphérie d'une petite ville. Ils vivent dans de modestes maisons qu'on construit mes arrières grands-parents.
- Quel est leur métier ?
- Il travaillent dans le textil. Il vivent de la vente de vêtements, de tapis ou d'ornements de meubles qu'ils fabriquent eux-mêmes. Madhya Pradesh est d'ailleurs célèbres pour ses impressions sur textil.

Elle fit une pause dans son récit et se laissa tomber sur sa chaise de bureau. Dans ses yeux se refletait le film de ses souvenirs. Elle se revoyait chez elle, dans sa petite maison aux murs de pierre peints de couleurs vives, assistant sa mère dans son travail de couturière. Elle se remémora les après-midis qu'elle passait en compagnie de ses soeurs et de ses cousines à jouer. Elle se rappela de ces soirées où les hommes du village se réunissaient pour discuter des nouvelles quotidiennes et boire leurs cafés en regardant des matchs de football. Elle était nostalgique et le laissait largement paraître sur son visage.

- Ça te manque ? demanda Sarah, un sourire compatissant aux lèvres.
- Beaucoup.

Elles restèrent ainsi en silence pendant quelques minutes, au bout desquelles Sarah remarqua une larme ruisseler sur la joue de sa collègue.

- Je te comprends, tu sais. Je sais ce que ça fait d'être loin de sa famille.
- Toute ta famille est en Espagne ?
- Heureusement, non, mais une bonne partie. Celle avec laquelle j'ai grandi. Mes grands-parents sont là-bas, la plupart de mes oncles et tantes et mes cousins et cousines les plus proches. Ils me manquent énormement.
- Tu es arrivée à quelle âge ici ?
- J'avais huit ans. Je suis arrivée avec mes parents et mon grand-frère.
- Ça doit être brutal comme changement à cet âge-là !
- Pas tellement, en fait. Quand on est petit, on s'adapte très vite. Moi et mon frère avons rapidement appris le français à l'école. En même temps, ce n'était pas très compliqué, l'espagnol ressemble au français. Je pense que ça a dû être beaucoup plus difficile pour toi.
- J'ai appris l'anglais en Inde et, comme je te l'ai déjà dit, j'ai...
- Bonjour à tous !

Sarah et Arya, surprises, se retournèrent en même temps pour apercevoir la personne dont la voix portait si fort qu'elle avait dû intrompre plus d'une conversation. C'était Iris. Cela paru être une évidence pour Sarah qui avait appris à composer avec le caractère exubérant de sa collègue. Ce qui l'était moins, c'était la raison de la présence d'un homme à côté d'Iris. Confuse, son visage, ainsi que sa rencontre avec lui, lui revinrent à l'esprit.

- Je vous présente notre nouveau collègue, Hardin Anderson.

Des murmures coururent à l'entente de son nom. Bien sûr, il ne fallait pas être un génie pour deviner qui il était.

- Hardin, je te laisse te présenter toi-même ! dit la blonde sur un ton aigu, presque niais.

Le jeune homme toussota avant de prendre la parole.

- Bonjour à tous ! Comme l'a dit votre charmante collègue à ma gauche, dit-il d'un air surfait qui avait vite fait d'en agacer certains, nous allons désormais travailler ensemble. Je viens du siège new-yorkais de l'entreprise où j'étais directeur des ressources humaines.
- C'est le poste que la plupart d'entre nous convoite, chuchota Arya à Sarah qui acquiesça d'un signe de tête.
- C'est un plaisir pour moi de revenir en France et de pouvoir y travailler. En espérant que vous prendrez plaisir à me compter parmi l'un des vôtres et que nous deviendrons de très bons amis.
- La dernière personne qui a dit ça c'était Dolores Ombrage... je pense que tout le monde sait comment ça s'est fini ! chuchota à nouveau Arya d'un ton un peu plus agressif.
- Je vous remercie et vous souhaite une très bonne journée !

Quelques faibles applaudissements incertains résonèrent ça-et-là avant de s'éteindre après une poignée de secondes.

Arrivèrent vers les bureaux de Sarah et Arya, Nour et Flora, leurs collègues. Nour tenait une tasse de café à la main et Flora arborait un air particulièrement dédaigneux.

- Il se prend pour qui celui-là ? lança-t-elle.
- Pour un empereur qui salue son peuple, soupira Arya en s'activant nerveusement sur son clavier d'ordinateur.
- Ne t'inquiète pas, au bout d'une semaine il se rendra compte qu'il ne domine personne et son arrogance s'en ira aussi vite qu'elle est arrivée ! dit Flora en levant les yeux au ciel. 

Flora était une belle jeune femme d'un peu moins de trente ans. Elle était d'origine camerounaise et arborait toujours de magnifiques turban sur la tête. Maîtresse d'un caractère fort, elle n'avait rien à envier à quiconque. C'était là, d'ailleurs, son état d'esprit. Il était impensable pour elle de se laisser malmener ou dominer. Une belle conviction qu'elle illustra par le dédain qu'elle portait à ce nouveau venu, bien trop prétentieux à son goût.

- Ne parle pas trop vite, Flora, dit Sarah quelque peu inquiète, il a dit qu'il était directeur des ressources humaines. Il est donc notre supérieur. Il nous domine en quelque sorte.

Un long soupir sonore s'échappa de la bouche de Flora.

- Il me fatigue d'avance...

Elle s'en retourna à son propre bureau avec toute la lassitude que représentait Hardin Anderson à ses yeux. L'envie de lui coller des claques chaque fois qu'il aurait la mauvaise idée d'ouvrir sa bouche la hantait déjà. Mais comme l'avait dit Sarah, il était leur supérieur. Elle devait donc prendre sur elle.

Nour qui était donc aux côtés d'Arya et Sarah paraissait assez soucieuse.

- J'espère qu'il ne sera pas ce genre de dirigeant égocentrique qui croit que le monde est à son service, dit-elle.

Sarah jeta un dernier coup d'œil au jeune homme dont le sourire étincelant n'avait pas quitter le visage.

- Seul l'avenir nous le dira...

The Boss ManOù les histoires vivent. Découvrez maintenant