Du paradoxe de la Raison et de la Passion

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Le cours d'eau s'écoulait presque paisiblement sous le pont. Gracieusement accoudée au garde-fou, Constance réfléchissait au meilleur moyen de prendre sa revanche sur Jehan. Ou du moins l'aurait-elle souhaité. Car au-delà d'une idée de vengeance, elle s'aperçut qu'en fin de compte, elle cherchait surtout un prétexte pour le provoquer. L'amener à ne pas l'oublier. Elle était lasse de toutes les intrigues qu'elle avait mené contre les familles rivales, de ses efforts permanents pour éviter la ruine de la sienne - ce à quoi, d'un point de vue objectif, elle avait échoué. Elle avait maintenant besoin d'un soutien, tant moral que stratégique. Jehan, tout roturier qu'il fût, avait pour lui la qualité non négligeable qui consiste à savoir se faire les bons amis, ainsi qu'une certaine habileté à tourner élégamment les phrases afin de les faire sonner soit comme un carillon de douceur, soit comme le crissement d'une lame que l'on tire du fourreau, aux oreilles de qui elles étaient destinées. C'était de ce genre d'appui dont Constance manquait cruellement en ce moment, et il était fort probable que sans cela, elle ne parviendrait sans doute jamais à rétablir sa situation.

Certes.

Bien. Au diable l'amour-propre, elle devait trouver un moyen de le rallier de nouveau à elle. Elle se redressa et, tout en retournant vers la place où devait maintenant s'achever le marché, commença à ourdir un plan pour s'assurer la loyauté - toute relative, certes, mais la loyauté tout de même - de son jeune adjudant.

D'un coeur au milieu des ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant