Des bénéfices de l'entente réciproque

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« Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi ! Au secours, quelqu'un ! »

L'odeur pestilentielle émanant du soudard agressait atrocement le nez de Constance. Dieux tout-puissants, mais ces gens-là ne se lavaient-ils donc jamais ? La poigne du peu ragoûtant agresseur autour de son bras était d'une telle violence que même un homme en très bonne forme physique aurait eu du mal à s'y soustraire. Ce que voyant, Jehan n'envisagea même pas l'éventualité d'un affrontement direct. Ou en tous cas, pas en combat singulier. Il décida donc de tenter une approche un peu plus subtile.

« Holà, messire ! Vous me voyez navré de vous importuner dans votre besogne, mais sauriez-vous, par hasard, où se trouve le relais de poste ? Oh, mais ma chère Constance, c'est bien vous ! Quel merveilleux hasard ! Que faites-vous donc ici ? »

La tête du bandit s'était lentement tournée vers Jehan. Puis elle sourit de toutes les dents qui lui restaient. Le beau parleur n’eût que le temps d'ajouter une syllabe de plus avant que quatre mains le saisissent fermement et l'immobilisassent avec un art consommé de ce genre d'exercices. Le spadassin lâcha le bras de Constance, qui s'approcha de son prisonnier, ravie de sa petite mise en scène.

« Tu as de la chance, mon jeune ami, je ne souhaite pas me venger. Je viens te proposer un marché. »

-           Rien de ce que tu possèdes ne m'intéresse, répondit Jehan, énervé à l'idée de s'être laissé duper dans un domaine où il excellait.

-           Pas encore, mon cher, pas encore... »

Elle fit un signe du menton à son mercenaire comédien, qui plongea la main dans le pourpoint de Jehan, avant d'en retirer un parchemin usé et couvert d'une belle écriture arrondie. Il le tendit à la chef d'orchestre du complot, qui s'en empara en cachant mal son avidité.

« Si je lis bien, il s'agit ici du titre de propriété d'une fille de joie que tu viens d'acquérir, n'est-il pas ? Je t'ai vu, il y a une heure, l'échanger contre une bourse bien remplie. Sais-tu que je connais bien le capitaine de la milice ? Si jamais je lui montrais ceci, il se ferait une joie d'enquêter sur toi un peu plus sérieusement. Car après tout, ce que représente ce document n'est rien à côté des autres méfaits que tu as accompli... Me trompé-je ? »

Jehan grinça des dents.

« Tu n'as aucune raison de t'en faire, rassure-toi. Au contraire, si tu fais ce que je te demande, non seulement je te le rendrai lorsque ta mission sera achevée, mais en plus tu ne courras pas le risque d'être pris avec, puisque c'est mon bon ami Eginhard, ici présent, qui en prendra soin durant cette période. Qu’en penses-tu ? Ne s’agit-il pas là d’un échange équitable ? »

Le jeune homme plongea ses yeux dans ceux de Constance. Tous deux ne connaissaient que trop bien les conséquences d’un refus.

D'un coeur au milieu des ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant